Ajout d’adverbe
Par Guillaume Simiand
DEFINITION :
La contrainte consiste à chercher la perplexité maximale chez le lecteur en ajoutant des adverbes choisis à un texte de loi.
APPLICATION :
Article 1101 du Code civil : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
DEVIENT :
« Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné d’abord, à créer etensuite à modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
- L’ajout de deux adverbes change le contenu de ce qui peut être qualifié comme contrat. Ainsi, un contrat ne prévoyant pas la création et la modification, la transmission ou l’extinction des obligations ne sera pas considéré comme un contrat.
COMMENTAIRE :
L’adverbe est à la loi ce que la crème Chantilly est au dessert : certains y voient une scorie facultative, indigeste, voire dangereuse, de la mal-loi comme on parle de malbouffe : la loi ne devrait pour ces Catons connaître que des absolus. D’autres au contraire ne sauraient envisager la loi sans l’adverbe ; la transgression, disent-ils, est non dans le fait, mais dans la manière ; or c’est bien ce sur quoi nous renseigne l’adverbe. Raisonnablement, poursuivent-ils, le législateur ne saurait graver dans la loi « Il est interdit de rouler dans la rue comme un dingue » ; c’est par sagesse qu’il préfère proscrire de conduire dangereusement.
Signalons notamment une question : les adverbes de manières qui depuis une cinquantaine d’années fleurissent dans le Code civil : raisonnablement, excessivement, etc. sont-ils un facteur de risque juridique ou au contraire, par le renvoi au juge, un signe de la reconnaissance implicite par le législateur qu’on ne saurait tout prévoir ? Ceux qui aiment conduire énergiquement croiseront les doigts pour un magistrat plus amateur de Formule 1 que de patinette, contrairement à ceux qui veulent se promener tranquillement. Pour les conséquences de tout cela sur le style juridique, laissons la parole au Maître : « J’aime superbement et magnifiquement : / Ces deux adverbes joints font admirablement. »
Les réflexions sur l’adverbe dans le cadre de l’Oudropo,, ont donné naissance à une enquête approfondie sur leur fréquence et le style du Code civil. Les adverbes pourraient-ils être un marqueur de la supposée baisse de qualité dans l’écriture des codes ? Les conclusions de cette enquête statistique à grande échelle seront publiées instamment.