CONTRAINTE DU FANTÔME.
Il s’agit de transformer les adjectifs, substantifs et verbes d’une règle de droit existante avec le mot fantôme le plus proche dans l’ordre alphabétique des mots fantômes du CNRTL. En effet sur le CNRTL, il se trouve une liste de mots qui n’existent pas mais qui sont apparus au moins une fois dans des écrits en français à la suite, la plupart du temps, d’une erreur voir http://www.atilf.fr/MotsFantomes/ puis dans le menu sur site taper « recherche simple ». Il existe des règles fantômes quand elles ont été annulées mais qu’elles ont encore un effet (exemple article 12 alinéa 3 Code de procédure civile). Il existe aussi un concept oudropien de fantôme. Il s’agit ici de créer une règle à partir des mots fantômes.
Application à l’article 1240 CC.
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Devient l’article 1240 fantôme du CC.
Tout faisneur quelconque de l’hormission, qui candit à autrui un dorfait, oprime celui par la fausserie duquel il est aroiné à le reponer.
Tout faisneur (celui qui enseveli) quelconque de l’hormission (pèlerinage), qui candit (courir avec impétuosité) à autrui un dorfait, oprime (presser) celui par la fausserie (une arnaque) duquel il est aroiné (préparé) à le reponer (remonter un bateau).
Le mot dorfait vient d’une mauvaise lecture par Godefray du 12° arrêt d’amour de Martial d’Auvergne (15° siècle). En première instance de l’affaire ayant donnée lieu à cet arrêt, la défenderesse avait gagné car elle prétendait que le demandeur s’était fait des idées et qu’elle ne s’était pas engagée vis-à-vis de lui, mais en appel à la cour de céans l’appelant peut produire un petit objet le fameux Dorfait. L’amant prétendait qu’il y a avait eu des serments éternels, il s’en plaint mais elle affirme : « et pour défense la dite défenderesse disait que de raison naturelle féminine nulle dame n’est tenue d’aimer si la personne qui la requiert ne lui plait, agrée ou que autrement le fait ferait trop à contemner tous les biens d’amours, qui viennent de plaisirs et joie. Or ce présupposé disait que cet amant se fiait trop en ses pensées et folles imaginations » … « de laquelle sentence (de première instance) ledit amoureux s’est senti grevé, et en a appelé en la cour de céans, où le procès a été reçu pour juger, sauf à faire droit, préalablement, sur l’entérinement de certaines requêtes civiles, lesquelles avaient été obtenues par ledit appelant pour être reçu à produire un pied de vautour d’argent doré, que sa dame lui avait donné pour curer ses dents avec un petit cœur d’or, fait (Dorfait) à larmes, qu’il avait toujours porté et portait encore pour l’amour d’elle entre la chemise et la chair afin de montrer par cela sa possession et aussi l’accointance qu’il avait eue avec elle, laquelle avait nié. Lesquelles choses avait omis de produire en son procès principal par obliance. Si la cour finalement vu ledit procès, examens, requêtes civiles et tout ce que faisait voir en cette dite matière ; et tout vu la cour dit qu’elle n’obtempère point à la requête civile, néanmoins qu’il fut mal jugé par lesdites dames du conseil et bien appelé par l’appelant. Et en amendant le jugement la cour dit que le dit complaignant est bien à recevoir et qu’à juste cause il s’est dolu et complainct et que à mauvaise cause ladite défenderesse s’est opposée. Maintient et garde la court icelui amant complaignant toutes ses possessions et saisines, en levant, ôtant la main d’Amours. Et si condamna la cour ladite dame aux dépens ».
Voici un extrait du CNRTL sur le mot fantôme Dorfait : « Dorfait (Godefroy 2, 750b enregistre une attestation unique de dorfait relevé dans les Arrêts d’amour de Martial d’Auvergne, cités d’après l’édition de Lyon 1533, qui est la première édition des Aresta Amorum pourvue du commentaire latin de Benoît le Court. Au passage correspondant, l’édition de Jean Rychner, laquelle reproduit l’édition la plus ancienne (C, [Paris], vers 1500 ?), parue du vivant de Martial, porte : pour estre receu a produire ung pié de voultour d’argent doré que sa dame luy avoit donné pour curer ses dens, avec ung petit cueur d’or faict a lermes qu’il avoit tousjours porté et portoit encore pour l’amour d’elle entre la chemise et la char. La consultation de l’apparat critique montre que l’édition R ([Paris], avant 1520) donne : d’or fait a lermes. Le mot cueur serait-il omis par H, omission que ne signalerait pas Rychner, qui affirme pourtant dans l’Introduction (LI) de son édition qu’il a procédé à une collation attentive et complète des éditions les plus anciennes (CRAB) pour l’ensemble de l’œuvre et fait de constantes vérifications sur les éditions plus tardives (H et E) ou bien la lacune serait-elle imputable à Godefroy ? Rychner précise que dans le cas de l’attribution d’une variante au seul R, il ne faut pas en déduire que les autres éditions sont conformes à C, elles sont au contraire généralement conformes à R. En effet, nous avons pu contrôler le passage en question dans H (consultable sur Gallica) et le verdict est sans appel. Il s’avère que l’imprimé offre bien : ung petit cueur dor faict a lhermes (Aresta Amorum, cum erudita Benedicti Curtii Symphoriani explanatione, Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1533, Douzième arrêt, 113). Godefroy a lu sans doute un peu rapidement l’imprimé, sauté le mot cueur, ce qui laisse en l’air petit et rend le texte inintelligible. Embarrassé, l’éminent lexicographe propose alors dubitativement d’interpréter dorfait comme un substantif pouvant désigner un mouchoir que l’amant, d’après le contexte, porterait pour l’amour de sa belle sous sa chemise, au contact de la peau. Et le malheur veut que ce dorfait fantomatique soit passé dans le FEW 21, 521b, Concept : mouchoir, alors que Gay dans son Glossaire archéologique du Moyen Âge et de la Renaissance (s.v. cure-dents), paru en 1887, donnait déjà la bonne leçon composée de mots courants un petit cœur d’or faict à larmes, en somme un cœur en or décoré de perles en forme de larme, symbole de l’amour et de la fidélité ».