Création de concept juridique
Par Emmanuel Jeuland et Camille Porodou
DEFINITION :
Pour créer un concept oudropien, il convient tout d’abord de trouver un terme qui n’est pas encore un concept juridique. Il y a plusieurs méthodes : par le hasard des rencontres ou le tirage au sort dans un dictionnaire (exemple ricochet), voire le tirage au sort d’un mot au hasard sur une application spécialisée (tirage de mot aléatoire). Il importe ensuite de chercher dans un site de doctrine (Lextenso, Dalloz, LexisNexis, etc.) une centaine d’occurrences du terme et d’essayer de trouver suffisamment de régularités pour rédiger une définition.
APPLICATION :
La sobriété est-elle un concept ou un principe, un objectif ou une mesure ? Il s’agit d’une pratique visant à limiter une consommation ou une production à ce qui est juste nécessaire. On parle de sobriété énergétique, foncière, de la consommation des matières premières, de l’exposition aux ondes magnétiques éventuellement entrée dans le champ contractuel). Le concept juridique de sobriété devient même un “principe” en matière de radiofréquence (Le rapport de la mission conduite à la demande du Gouvernement par MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler « Développement des usages mobiles et principe de sobriété », publié en décembre 2013 et disponible en ligne sur le site de la Documentation française). Ce principe peut apparaître pertinent en tant que déclinaison du principe de prévention ou de précaution. Cependant selon un auteur (E. Annamayer), il s’agit moins d’un principe que d’un objectif prenant la forme de mesures : « À notre sens, la conciliation recherchée entre les préoccupations économiques et les préoccupations sanitaires et environnementales est exercée avec des difficultés. D’abord, l’objectif de « sobriété » qui n’est pas inconnu dans la littérature juridique, peut être à l’origine de nombreuses interprétations possibles tant il manque de clarté, et d’autant qu’il n’est pas défini dans l’exposé des motifs de la proposition de loi ni dans le corps de la loi… Le choix de faire de la sobriété de l’exposition aux ondes électromagnétiques un objectif et non un principe juridique doit être souligné. Il contourne le risque d’un contentieux abondant dans lequel les requérants auraient pu être tentés de contester la légalité des mesures prises par les autorités publiques en contradiction avec un principe dont les contours sont mal définis »[1].
COMMENTAIRE :
La création de concept peut enrichir le vocabulaire juridique, permettre de percer à jour des termes à la mode (ex. trou dans la raquette, jauge, etc.), c’est-à-dire permettre d’avoir une approche critique d’un concept émergent servant en réalité à limiter les recours tout en permettant un développement technologique relativement risqué comme c’est le cas pour le concept de sobriété. Le « principe de sobriété » est un avatar du principe de précaution et de prévention qui peut servir, par son imprécision, à autoriser tous les projets risqués en évitant les recours sauf exception. Comme souvent, la légistique dit exactement le contraire de ce qu’elle fait puisque le principe de sobriété peut permettre tous les développements technologiques bien présentés en prenant des mesures sans en faire un principe liant le juge mais au contraire en générant une marge de manœuvre permettant au juge de limiter le contentieux.
La création de concept conduit ainsi à s’interroger sur le statut de termes émergents pour déterminer s’il s’agit de véritables principes, d’objectifs, de simples concepts voire un mot recouvrant de simples mesures qui participent d’un mouvement long de processualisation du droit (et qui dit processualisation dit évitement des valeurs au profit des « process » d’information et de délibération). Un dictionnaire juridique des concepts absents des lexiques juridiques peut alors être envisagé (avec les concepts de fantômes, de tapis, de poussière, de ricochet, de coïncidence, de bienveillance, etc.). Reste la difficulté des concepts employés pour définir d’autres concepts qui conduit à une régression à l’infini (voir la contrainte du concept de concept).
[1] É. ANNAMAYER « Infrastructures, transports et logistique – L’objectif de couverture de réseaux 5G, source d’adaptation de l’encadrement juridique », Énergie – Environnement – Infrastructures n° 2, Février 2021, dossier 6.
archive CONTRAINTE DE LA CREATION DE CONCEPT.
1re étape trouver un terme qui n’est pas encore un concept juridique. Il y a plusieurs méthodes
– par le hasard des rencontres ou le tirage au sort dans un dictionnaire (exemple ricochet), voir tirage au sort d’un mot au hasard sur un site spécialisé dans le tirage au sort de mot. (par exemple : tirage de mot aléatoire )
– le tirage au sort d’un chiffre pour choisir un code dans la liste de 80 codes sur Legifrance puis tirer un second chiffre qui ne dépasse pas le nombre d’articles de ce code. Voir si dans l’article choisi, il n’y a pas un terme juridique non encore repérée
2° étape : chercher dans un site de doctrine (lextenso, Dalloz, LexisNexis, etc.) une centaine d’occurrences du terme et essayer de trouver suffisamment des régularités pour bâtir un concept oudropien.
Pour des exemples voir Tremblement de terre, ricochet, fantôme, brouillard (à créer), poussière, univers, armoire, tiroir