Confinement
Par Nathalie Dion
DEFINITION :
La contrainte a pour objet de créer du droit potentiel en situation de confinement.
APPLICATION :
Que peut nous inspirer la contrainte du confinement pour créer du droit ? Peut-on créer du droit potentiel par visioconférence en zoom-dropo ? On pourrait, par exemple, envisager d’étudier la création du concept d’obligation non recommandée : le masque n’est plus recommandé mais obligatoire. Nous peut également travailler sur le concept de distanciation sociale : la distance sanitaire est-elle compatible avec la juste distance dans un rapport de droit ? Certains seront peut-être inspirés par le déluge d’ordonnances en état d’urgence sanitaire pour créer du droit potentiellement contraire aux libertés fondamentales et donc au droit. Ce qui frappe est le mot Covid : on partage du vide, covid-19, il y a neuf dans dix-neuf, du vide neuf, c’est vertigineux.
COMMENTAIRE :
Comment une contrainte factuelle peut générer des contraintes juridiques ? Il est très difficile – voire impossible – de créer en expérimentant sur une longue durée un confinement, même volontaire, complètement solitaire. Lorsqu’elle s’enferme dans son atelier après sa rupture avec Rodin pour développer son art propre, Camille Claudel perd la notion d’espace et de temps. Sa pensée devient incohérente et elle sombrera dans la folie. En revanche, un confinement de longue durée, subi mais vécu dans un cercle familial, affectif, favorisera l’acte de création. Anne Franck, aurait-elle écrit son fameux journal si elle n’avait pas été cachée, confinée deux ans dans un appartement pendant la Seconde Guerre mondiale ? Elle tiendra son journal sans doute pour donner du sens à cette privation de liberté.
Aujourd’hui, en France, celles et ceux d’entre nous qui n’ont justement jamais connu la privation de liberté, les grandes épidémies, la (vraie) guerre, ont vécu durant cette période de confinement des moments anxiogènes, avec peut-être le besoin de donner un sens à cette situation par la créativité et en particulier, pour les Oudropien-nes, par la créativité juridique.
Alors, le confinement permet-il de créer et d’inventer du droit potentiel ? Difficilement, pour ceuxqui, confinés à plusieurs dans des logements exigus ont dû supporter le bruit des autres. Pour ceux dont l’esprit a été souvent envahi, « brouillé » par l’avalanche des informations anxiogènes via les réseaux sociaux, le téléphone, la télévision, l’Internet, et par l’attente d’un « retour à la normale ». Une attention excessive portée sur l’extérieur occupe l’esprit et peut entraver une vraie disponibilité, un recul sur le réel, un espace pour un processus créatif.
En revanche, le confinement permet de créer du droit potentiel s’il est vécu à distance du tumulte des médias, dans un lieu calme propice à la concentration, un lieu dans lequel il est possible de se confronter à soi-même et de vérifier ses propres hypothèses. Il y a alors matière à une réflexion autour d’une possible dérive sécuritaire à des fins sanitaires, sur l’atteinte aux libertés avec l’attestation de déplacement dérogatoire ou de passe sanitaire, les outils de contrôle comme les drones, la vidéosurveillance ou la reconnaissance faciale, et en définitive le traçage des populations par la surveillance numérique. S’ouvre alors un vaste champ d’étude sur les interactions entre le droit et les émotions, et en particulier sur la peur, au centre de la crise sanitaire actuelle.