Féminisation

 

Par Gaële Gidrol-Mistral et Alicia Mâzouz

 

 

 

DEFINITION :

Il convient de féminiser une norme, comme on a féminisé la Covid 19 afin de savoir si elle est plus inclusive, plus acceptable ou plus dangereuse.

 

 

APPLICATION :

 

L’article 552 CC français :

« La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ;

Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre « Des servitudes ou services fonciers ».

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police ».

DEVIENT :

« La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

  La propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’elle juge à propos, sauf les exceptions établies au titre  » Des servitudes ou services fonciers « .

Elle peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’elle jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police ».

L’article 1583 du Code civil français sur la vente : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé »

DEVIENT :

« Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteuse à l’égard de la vendeuse, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

 

L’article 1 du Code civil du Québec : « Tout être humain possède la personnalité juridique »

DEVIENT :

« Toute entité humaine possède la personnalité juridique ».

Ce changement entraîne un élargissement de la catégorie juridique à des entités humaines et les dote de la personnalité juridique : embryons congelés, cadavres, fantômes (entités errantes), gamètes, cellules (cancer ?)

L’article 385 C.c.Q « Sous réserve de l’article 386, l’époux de bonne foi a droit aux donations qui lui ont été consenties en considération du mariage »

DEVIENT :

 « Sous réserve de l’article 386, l’épouse de bonne foi a droit aux donations qui lui ont été consenties en considération du mariage ».

L’article 386 C.c.Q. : « La nullité du mariage rend nulles les donations entre vifs consenties à l’époux de mauvaise foi en considération du mariage ».

DEVIENT :

« La nullité du mariage rend nulles les donations entre vives consenties à l’épouse de mauvaise foi en considération du mariage ».

Pour éviter la discrimination issue de cette rédaction qui semble associer la mauvaise foi au sexe féminin « non neutre », peut-être pourrait-on inventer un mot neutre et écrire épouxse (contraction de époux et épouse)

 

 

COMMENTAIRE :

 

Le premier constat qui s’est imposé à nous lorsque nous avons souhaité trouver un texte à féminiser, c’est qu’un grand nombre de notions, de concepts, de mécanismes… présents dans le code civil sont féminins : la propriété, la personne, l’obligation, la responsabilité, la famille, la filiation, la nationalité, la servitude, l’indivision, la sûreté, l’hypothèque, la fiducie, la vente, la preuve… Les choses sont un peu différentes lorsqu’il est question des liens entre les membres d’un couple puisqu’il est alors question d’un mariage et d’un divorce, d’un Pacs ou d’un concubinage : étrangement toutes les formes d’unions sont masculines. On peut également constater que l’avoir (et peut être ainsi le pouvoir) est marqué par la présence du masculin. Notons que la propriété est un mot féminin, alors que le bien est masculin, même si la catégorie générale qui l’accueille est féminine : la chose englobe le bien envisagé comme droit patrimonial, et la chose, objet non encore soumis au pouvoir du propriétaire. Le patrimoine, miroir économique de la personne, est d’ailleurs masculin. Pourrait-on y voir une distinction entre l’être qui ressort du domaine sensible et donc représenté par un concept féminin (la personne) et l’avoir du domaine économique représenté par un concept masculin (le patrimoine) ?

À partir de ce premier constat, nous nous sommes attachées à trouver des dispositions pour lesquelles une féminisation des termes serait possible. Ainsi, dans la relation entre le propriétaire et le vendeur ou entre les époux. La lecture des textes modifiés est sans appel : la féminisation du terme propriétaire ou vendeur ou époux conduit, non pas à un effet d’inclusion, mais à un effet d’exclusion. En effet si la règle d’un masculin fédérateur, qui inclurait tous les genres, permet d’appliquer la disposition relative à la propriété, à la vente ou aux unions civiles à toutes les personnes quelques soit leur genre, féminin, masculin ou neutre, tel n’est plus le cas dès lors que le féminin seul est utilisé pour désigner « la propriétaire » ou « la vendeuse » ou « l’épouse ». Seule une partie des personnes s’identifiant au sexe féminin est alors visée par cette nouvelle rédaction du texte. Bien entendu, on comprend ainsi les enjeux et les difficultés posées par l’adoption d’une écriture féminisée. En marquant la langue par la place légitime des femmes, il ne faut pas discriminer une autre partie de la population. L’inclusion des femmes devient une forme d’exclusion. Il faut donc aborder la question de l’inclusion par un prisme plus fédérateur (double désignation – le et la – ou chercher une neutralité – épouxse ; iele ; possesseur.e). Ajouter à tous les textes qui ne comportent que le masculin, comme les textes ci-dessus rappelés, une forme féminine est sans doute déjà une autre contrainte… (voire écriture exclusive).

Il se peut aussi que la féminisation du droit laisse quelque peu dans l’ombre les discriminations matérielles entre riches et pauvres. Il conviendrait peut-être alors de noter avec une majuscule la présence du pauvre et avec une minuscule l’intervention d’un riche. S’il s’agit d’un transgenre pauvre, on parlerait de Yelle, mais de yelle s’il est riche. Par exemple : « le Propriétaire de la barque de pêcheur est prié de ne pas s’amarrer dans le bassin des propriétaires de yatch.  Il, Elle ou Yelle peut aussi laisser sa barque sur la plage, tandis qu’il, elle ou yelle ne doit pas faire la fête au-delà de trois heures du matin sur son yacht privé ».