Idée reçue

Frédéric Martin et Emmanuel Jeuland

DEFINITION :

La méthode s’inspire – librement – du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert. Les échos et renvois dont les textes juridiques sont truffés ne doivent pas être pris pour des évidences. Il suffit de faire valser les mots pour que les pensées s’évadent. La science juridique est pleine de mythes.

 

APPLICATION :

 

Liberté. – a) La liberté de chacun s’arrête là où commence la loi (voir « loi »). – b) La liberté de chacun commence là où s’arrête la loi (voir « loi »).

 

Autres exemples d’idées reçues :

« Il faut craindre le gouvernement des juges » (c’est pourquoi d’ailleurs la justice n’est qu’une autorité)

DEVIENT :

« La justice doit craindre le gouvernement ».

« Les juges ne sont que la bouche de la loi » (mais la loi est ici la loi naturelle si bien que les juges ont toutes les marges de manœuvre)

DEVIENT :

 « La bouche des juges est la loi positive ».

Autre idée reçue : « La justice est engorgée donc il faut privilégier les modes alternatifs de règlement des conflits » : alors que les statistiques judiciaires ne le démontrent pas en moyenne au plan national depuis 1991 sauf pour quelques tribunaux ou cours.

DEVIENT

« Les modes alternatifs de règlement des conflits ne servent à rien puisque la justice n’est pas engorgée ».

COMMENTAIRE :

 

Pointer du doigt les idées reçues ou mythologies juridiques, c’est déjà les remettre en cause ; c’est aussi s’apercevoir que les dénégations des idées reçues ont beaucoup de mal à faire leur chemin. Curieusement, l’idée reçue se retourne souvent en vérité. On peut aussi constater que les idées reçues ont la vie dure : chaque jour on entend les étudiants affirmer que la justice est encombrée, que l’on frôle le gouvernement des études alors même paradoxalement que tout le monde s’accorde à dire que le juge n’est que la bouche de la loi. On note aussi une tendance à chercher des sources plus ou moins fiables pour fonder une doctrine voire une discipline. Ainsi, on parle aujourd’hui du mythe de l’arrêt Blanco, l’arrêt qui a fondé l’autonomie du droit administratif sur la notion de service public plus de vingt ans après son édiction (l’arrêt en son temps était passé inaperçu).