Coïncidence
Par Emmanuel Jeuland et Camille Porodou
DEFINITION :
La coïncidence est à la fois un concept juridique potentiel et une contrainte. La Contrainte consiste ici à mener une réflexion juridique en étant attentif aux coïncidences ou à tous les aspects d’une seule coïncidence, en suivant ainsi une ligne transdisciplinaire et sans frontière (on peut considérer qu’il s’agit d’un synonyme de la sérendipité (v. S. Catellin, Sérendipité, du conte au concept, Science Ouverte, Seuil, 2014).
APPLICATION :
Le concept juridique de coïncidence peut se définir comme la concomitance de deux faits pouvant entrainer des effets juridiques (la présence d’une personne sur les lieux de plusieurs infractions) ou la non reconnaissance d’effets juridiques selon qu’ils constituent des indices concordants ou des indices irrationnels (simple coïncidence troublante sans conséquence, ex. quelqu’un se trouvant par hasard sur une photo de presse avec deux criminels).
La contrainte de la coïncidence peut se réaliser sur Internet. La recherche oudropienne en ligne peut susciter des coïncidences juridiques. Traditionnellement la fréquentation d’une bibliothèque pouvait faire « tomber » sur un article ou un livre improbable qui changeait le cours d’une recherche. Sur Internet, le hasard est plus difficile à déclencher, mais les coïncidences juridiques numériques existent. Nous suggérons à un chercheur qui souhaite sortir de sa zone de confort de pratiquer tous les exercices oudropiens qui l’attirent sur son sujet et sur Internet (en utilisant le CNRTL, les sites de traduction, les bases de données juridiques, etc.) : par exemple la contrainte du haïku, des nombres, des antonymes, de la proxémie, des synonymes, etc. On pourrait peut-être d’ailleurs imaginer un robot dans lequel on entrerait son sujet de recherche ou la règle sur laquelle on travaille.
Témoignage de chercheur : « Je recherchais des auteurs ayant traité de la présence pour travailler sur les procès en visioconférence. En m’intéressant à René Char, j’ai été attiré par sa correspondance avec Mounin dans une librairie. Or, il se trouve que dans le même temps, une collègue m’avait laissé des livres qui l’encombraient dans son bureau et je n’y avais pas prêté attention. Pourtant parmi eux se trouvait un livre de ce même Mounin sur la linguistique, livre qui me conduisit vers une nouvelle orientation de recherche ».
COMMENTAIRE :
Le droit a-t-il quelque chose à dire sur les coïncidences troublantes que Jung appelait des synchronicités ? Freud sentant le terrain glissant s’y est intéressé de manière prudente. Le mouvement Droit et Littérature peut conduire à s’intéresser aux coïncidences lesquelles, presque systématiquement, sont au cœur des fictions (il n’y a pas de roman policier sans coïncidence !). Le mouvement voisin Droit et Cinéma amène à se pencher sur la filmographie de Rohmer. La coïncidence y survient dans les moments de fragilité des rapports humains qu’il étudie, par exemple dans un Conte d’automne (voir à l’inverse le concept de dé-coïncidence qui selon Fr. Jullien serait à l’origine de bien des nouveautés et créations, Dé-coïncidence, éd. Grasset, 2017). La coïncidence en droit permet de réfléchir à la question de la rationalité et de l’irrationalité.
La coïncidence comme le ricochet est à la fois un concept juridique potentiel et une contrainte.
Concept juridique.
Coïncidence : la concomitance de deux faits pouvant entrainer des effets juridiques (la présence d’une personne sur les lieux de plusieurs infractions) ou la non reconnaissance d’effets juridiques selon qu’ils constituent des indices concordants ou des indices irrationnels (simple coïncidence troublante sans conséquence, ex quelqu’un se trouvant par hasard sur une photo de presse avec deux criminels).
Contrainte : mener une réflexion juridique en étant attentif aux coïncidences ou à tous les aspects d’une seule coïncidence, en suivant ainsi une ligne transdisciplinaire et sans frontière.
Variante : la coïncidence juridique numérique. Un sociologue, Antonio Casalli aurait (selon une radio) imaginé un robot qui permette de faire ses courses au hasard sur Internet pour éviter d’être enfermé dans un personnage ayant toujours les mêmes choix (mais cette information n’est pas confirmée par la visite du blog du sociologue !). La recherche oudropienne sur Internet vise également a suscité des coïncidences juridiques afin de sortir de sa sphère de « confort » en droit. Traditionnellement la fréquentation d’une bibliothèque pouvait faire « tomber » sur un article ou un livre improbable qui changeait le cours de notre recherche. Sur Internet, le hasard est plus difficile à déclencher, mais les coïncidences juridiques numériques existent. Nous suggérons à un chercheur qui souhaite sortir de sa zone de confort de pratiquer tous les exercices oudropiens qui l’attirent sur son sujet et sur Internet (en utilisant le CNRTL, les sites de traduction, les bases de données juridiques, etc.) : par exemple la contrainte du fantôme, du haïku, des nombres, des antonymes, de la proxémie, des synonymes, etc. On pourrait peut-être d’ailleurs imaginer un robot (une fonctionnalité de la Tistlaw Machine pourrait lui être consacrée) dans lequel on entrerait son sujet de recherche ou la règle sur laquelle on travaille et qui ressortirait des propositions oudropiennes.
voir ricochet, tiroir , Zen, Tistlaw machine, doctrine préventive, Cabâzor
Pour aller plus loin : Le droit a-t-il quelque chose à dire sur les coïncidences troublantes (voir la vidéo ci-contre) que Jung appelait des synchronicités ? Freud sentant le terrain dangereux s’y est intéressé de manière prudente. Le mouvement Droit et Littérature peut conduire à s’intéresser aux coïncidences qui presque systématiquement sont au cœur des fictions (il n’y a pas de roman policier sans coïncidence !) ; le mouvement voisin Droit et Cinéma peut conduire à s’intéresser à la filmographie de Rohmer (indication de Pierre Brunet lors d’un séminaire en 2016. La coïncidence survient dans les moments de fragilité des rapports humains qu’il étudie, par exemple dans un Conte d’automne).
Sur une approche juridique des coïncidences et une application de la contrainte de la coïncidence (la réflexion a comme fil rouge la coïncidence d’Alcazar) : voir E. Jeuland, Théorie relationiste du droit, LGDJ, 2016 ; voir à l’inverse le concept de dé-coïncidence qui selon François Julien serait à l’origine de bien des nouveautés et créations (Dé-coïncidence, éd. Grasset, 2017).