Oudropo,, par anticipation par le poète oulipien Jacques Jouet.

Dura lex, mollis lex (et mediocris lex)

Mediocris Art. 205. – Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin.

Mollis lex : Art. 205. – Les jeunes générations devraient comprendre qu’il n’est pas excessif de songer qu’ils pourraient distribuer quelques rogatons à leurs maman papa ou à leurs aînés proches, dans les cas bien improbables où ceux-ci connaîtraient quelques difficultés passagères pour s’assurer par eux-mêmes un minimum de subsistance.

 

Dura lex : Art. 205. – Tous les héritiers potentiels auront la tête tranchée s’ils ne font pas péter la sous-ventrière, non seulement de leurs procréateurs directs, mais de tous leurs aînés du clan sans exception, qui, ne serait-ce qu’un jour (a fortiori durablement) se verraient atteints de plein fouet par la paupérisation absolue.

*

Mediocris Art. 681. – Tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s’écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

Mollis :  Art. 681. – Toute personne envisageant l’acquisition d’une cabane de jardin devrait prévoir sa couverture de telle façon que le produit d’une ondée vienne humecter son propre gazon, ou à la rigueur les fossés communaux ; il n’est pas vraiment souhaitable qu’il le laisse négligemment s’infiltrer dans les jardinets des petits copains.

 

Dura lex : Art. 681. – Tout spéculateur foncier est dans l’obligation expresse de couler des toitures et gouttières dans le bronze de manière que les déluges inondent ses propres hectares ou ceux de la République ; il n’a aucune espèce de prérogative à les laisser engloutir les territoires de ses égaux en droit.

*

Mediocris Art. 901. – Pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit.

Mollis Art. 901. – Dans l’éventualité où l’on envisagerait d’abandonner, de son vivant ou après qu’on ait avalé de travers un petit morceau de son bulletin de naissance, quelque bien à quelqu’un de son choix, il est tout de même recommandé, au moment de remplir les quelques formalités indispensables, de disposer d’un pourcentage au moins suffisant de ses facultés intellectuelles.

Dura lex  Art. 901. – En cas de décision irrévocable de céder toute sa fortune à ceux qui s’accrochent ici-bas, soit qu’on pète la santé soit qu’on s’apprête à la faire exploser dans la mort sépulcrale, il y a une condition sine qua non à respecter au moment de parapher ses volontés ultimes : que sa santé mentale soit absolument au-dessus de toute espèce de soupçon.

*

Jacques Jouet vers 1990