Émotion et règle

Par Nissim Elkaïm

 

 

 

DEFINITION :

 

Cette contrainte consiste à écrire ou réécrire une règle ou un jugement en lui donnant un contenu orienté ou émotionnel. Ceci peut se faire, par exemple, par l’ajout d’adverbes ou d’adjectifs pour traduire des émotions.

APPLICATION :

 

Le texte originaire de l’attestation de déplacement

« Attestation de déplacement dérogatoire

Je soussigné, certifie que mon déplacement est lié au motif suivant autorisé par l’article 1er du décret du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 :

  • Déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, lorsqu’ils sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail (sur justificatif permanent) ou déplacements professionnels ne pouvant être différés ;
  • Déplacements pour effectuer des achats de première nécessité dans des établissements autorisés (liste sur gouvernement.fr) ;
  • Déplacements pour motifs de santé ;
  • Déplacements pour motifs familiaux impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou la garde d’enfants ;
  • Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie ».

DEVIENT :

« Attestation très importante de déplacement dérogatoire

Je soussigné, certifie que mon déplacement est vraiment lié au motif suivant dument autorisé par l’article 1er du décret exceptionnel d’urgence du 16 mars 2020 portant stricte réglementation des déplacements limités dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 :

  • Brefs déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, lorsqu’ils sont absolument indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail vertueux et sain (sur justificatif permanent) ou déplacements professionnels ne pouvant en aucun cas être différés ;
  • Déplacements pour effectuer des achats de toute première nécessité dans des établissements autorisés ou présumés autorisés (liste sur gouvernement.fr) ;
  • Déplacements pour motifs impérieux de santé ;
  • Déplacements pour motifs familiaux jugés impérieux, pour l’assistance aux personnes trèsvulnérables ou la garde de tout petits enfants ;
  • Déplacements brefs, à grande proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle indispensable des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et sociale, et aux besoins variés des animaux de compagnie agréable».

COMMENTAIRE

La corrélation entre le droit et les émotions est complexe. Elle est l’objet de courants renouvelés de recherche interdisciplinaires. Aux tenants d’un droit qui se veut neutre et objectif, on peut opposer ceux qui prennent en compte la dimension des émotions dans un droit qui n’est pas que commandement ou obligation, mais établit des liens entre les individus dans une perspective que l’on pourrait qualifier de relationniste.

Les règles afférentes au coronavirus peuvent fournir une bonne illustration de la contrainte « émotion ». À titre liminaire, il convient de souligner que le contexte pandémique est par lui-même chargé d’émotion. Les enjeux sont tout simplement : la vie, la maladie, ou la mort. Nul besoin donc d’ajouter des adjectifs, des adverbes, ou des périphrases pour susciter une vive émotion, qui existe de facto de par le contexte ou la matière dont traite la règle de droit. Il n’en demeure pas moins que les autorités peuvent surjouer l’émotion d’anxiété, afin de garantir une meilleure application de la règle. On note d’ailleurs dans la rédaction du texte original la présence de plusieurs adjectifs. Dans un tel cas, les émotions sont instrumentalisées. Il est fréquent que le sentiment de peur soit instrumentalisé par le pouvoir politique, y compris en dehors des situations de crise.

Le texte original, ainsi que le texte modifié, attirent l’attention sur la notion de distance. Les déplacements doivent être indispensables, et limités dans l’espace et dans le temps. C’est bien entendu une restriction à la liberté d’aller et venir qui doit être mise en balance avec la nécessité de la protection de la santé du public. Cela pousse également à réfléchir sur la notion de distance au sens propre, qui influe sur les émotions : plus la proximité physique est grande, plus les émotions ont des chances d’être intenses, et en période d’épidémie plus les risques de contagion sont élevés. Paradoxalement, accroitre la distance entre individus, c’est réduire la potentialité de l’intensité de l’émotion, mais aussi réduire les risques de contamination. Autre piste de réflexion : la notion de promiscuité dans les grandes villes et dans les transports. La distance de confort ou de sécurité y est rarement respectée. Pour autant, cela n’empêche pas l’indifférence à autrui et l’absence d’émotion : c’est un autre paradoxe.

Le texte modifié illustre la présentation d’un monde bi polaire et sans nuance : d’un côté il y a ce qui est sain et protecteur de la santé publique, de l’autre ce qui est dangereux pour la santé publique et qui ne doit être réalisé qu’à titre d’exception, si on ne peut pas faire autrement. Les deux textes sont vecteurs d’une échelle de valeur. Seules certaines activités jugées primordiales peuvent se voir accorder des dérogations limitées : le travail, l’alimentation, la santé, l’assistance aux personnes vulnérables, le sport individuel, et les besoins des animaux de compagnie !

L’émotion n’est pas qu’une affaire de mots, elle peut aussi tenir aux codes de couleur et aux associations : les mots écrits en rouge dans le texte modifié attirent l’attention mais peuvent aussi susciter la crainte. Au-delà, que dire d’un monde où les forces de l’ordre sont tout à la fois chargées d’investiguer, de contrôler, de sanctionner le cas échéant par le biais d’amendes, les motifs invoqués par des administrés (qui se fabriquent des preuves à eux-mêmes), et dont l’efficacité de l’action est la garante de la santé du plus grand nombre mais aussi la menace qui pèse à terme sur nos libertés. Émotion quand tu nous tiens…

archives contrainte émotionnelle ou d’orientation (politico-socio-éco ou autre). voir émission de radio sur le juge et l’émotion.

Pour la comprendre il faut remonter à la séance précédente :

Nissim avait proposé la contrainte Unef/medef : écrire un plaidoyer de l’unef pour la réforme de l’université avec les idées du medef et inversement pour la sncf. Emmanuel avait proposé une contrainte émotionnelle : ajouter des adverbes ou des adjectifs pour traduire des émotions dans de grandes affaires Perruche, Dauvin, etc. Par exemple attendu principal de l’affaire Perruche (ass. Plén. 17 nov. 2000) :

Vu les bons articles 1165 et 1382 du Code civil

Attendu, cependant, que dès lors que les fautes impardonnables commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats parfaitement bien formés avec Mme X… avaient inévitablement empêché celle-ci d’exercer son choix fondamental d’interrompre sa grossesse dans le but compréhensible d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap insupportable, ce dernier peut légitimement demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ;

Nous avons décidé de proposer les deux contraintes en même temps pour la prochaine fois car elle se ressemble : soit faire une contrainte émotionnelle ou une contrainte d’orientation du texte (Unef/Medef/féministe, front national, etc.). On soupçonnait qu’il y avait des ponts à faire entre l’émotionnel et le politique (Philippe Braud, L’émotion en politique Presses de Science-po, 1996 ; approche interactioniste des émotions en politique fondé sur les symboles de condensation selon Edward Sapir ; Dominique Moïsi, la géopolitique des émotions, Flammarion, 2008).

Cette contrainte consiste à écrire ou réécrire une règle ou un jugement en lui donnant un contenu orienté ou émotionnel  ; une autre méthode pourrait consister à créer un concept juridique à partir du vocabulaire des émotions, exemple : le terme de « manque de délicatesse » est employé dans la jurisprudence de la Cour de cassation, chambre civile 1, 10 septembre 2015, N° de pourvoi: 14-24208) pour traduire une situation générant de la colère.

Isabelle Ta : Contrainte émotionnelle : d’où vient cette contrainte ? Idée que le droit anesthésie l’émotion ? A l’inverse, possibilité de réécrire un texte dénué de toute forme d’émotions mais qui en susciterait sous un abord neutre ? Contenu émotionnel ne passe pas nécessairement par le vocabulaire de l’émotion. Il est difficile de susciter des émotions par un langage neutre. Cependant des informations peuvent avoir un impact sur le public (article Emotional compelled disclosures v. référence ci-dessous). L’émotion est produite par l’information ou par un ajout à l’information : la jolie femme à côté du grille-pain, le poumon atteint à côté des cigarettes.

Le texte :

Un des derniers textes parus au JO : extrait de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles (1)

Article 8 de la loi du 20 juin 2018 modifie  L’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) précitée est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I.-Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique. » ;

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=1D8DD85FBB820049E51A7CD4E103CB0F.tplgfr32s_1?cidTexte=JORFTEXT000037085952&categorieLien=id

L’application

« I.-Il est interdit de traiter outrageusement des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les inébranlables convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé déclinante ou des données concernant la pauvre/riche vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique. » ;

Remarques

Ajout de « Inébranlables » à conviction ne semble pas apporter grand-chose. Le fait qu’il s’agisse de convictions religieuses ou philosophiques relève déjà de l’intime.

En revanche, si le traitement outrageux est interdit, le traitement respectueux le serait ? Ce qui introduit donc une restriction de la protection. Cela appelle déjà un jugement : et que serait un traitement respectueux ? Le fait qu’il s’agisse de données factuelles objectives n’est-il pas en un sens respectueux ? A l’inverse, le fait qu’il s’agisse de données à caractère personnel n’est-il pas outrageux en soi ? La même restriction est apportée par les termes « santé déclinante » ou « pauvre/riche vie sexuelle ».

En conclusion, je trouve que la contrainte ne « fonctionne pas ». Peut-être à cause du choix des termes. L’interdiction de la divulgation, dans cette matière de la protection des données, est déjà orientée émotionnellement. L’émotion apporte un jugement, ou plutôt les qualifications posent un jugement qui suscite une émotion.

Vous trouverez aussi ci-dessous les liens des cours ou articles évoqués, et notamment l’article Emotional Compelled Disclosures qui discute des informations dont le gouvernement oblige la divulgation et qui s’interroge sur l’usage de l’émotion. Les questions soulevées font quelque peu écho à celles de la séance d’aujourd’hui : la distinction entre un usage acceptable et un usage non-acceptable de l’émotion (le maintien de l’autonomie de décision est-il suffisant, quels critères employer, etc.) :

– Revue Psycho-droit

– Harvard Law Review & cours

https://hls.harvard.edu/academics/curriculum/catalog/default.aspx?o=68833

https://hls.harvard.edu/academics/curriculum/catalog/default.aspx?o=68103

Harmless Errors and Substantial Rights

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Emotional Compelled Disclosures

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Discussion : avec la protection des données il y a un espèce d’affect, déjà intime, les qualificatifs posent un jugement qui suscitent une émotion.

Alicia : on aurait pu dire que çà marche au contraire, le problème est l’objectif de la contrainte. On a dans cet atelier une approche expérimentale : on n’a pas établi un protocole concernant les objectifs d’une contrainte en terme de création du droit. Pourquoi on n’utilise pas les mots de l’émotion ? car les émotions sont intérieures ?

Nissim : il y a un grand débat en théorie du droit, est-ce que le droit est neutre objectif, positif ou tout est question de ce que le juge a mangé (réaliste ou décisionniste). Le droit pénal est le plus cartésien ; or il se transforme en un flot d’émotions en cour d’assise, torrent d’émotion ; de même ceux qui gagnent la conférence du stage n’appliquent pas un syllogisme, il y a importance de la belle plume.

Julie : le langage corporel passe mieux et plus vite le message, l’acteur surjoue s’il fait les deux.

Isabelle : on a le même problème en droit, il ne faudrait pas utiliser le langage des émotions pour les traduire.

Nissim : il y a tout un débat entre la société et l’émotion, les politiques qui s’emparent de l’émotion, par exemple : la sensibilité de l’animal ; la loi anti-Perruche : la décision des juges était liée à l’émotion car il s’agissait d’un enfant handicapé mais il y a une contre réaction avec la loi ; de même la loi US de1933 sur le prospectus, c’est une loi de réaction au chaos émotionnel suscité par la crise de 1929.

Viveca Mezey : règlement de 2014 est dans le sillage de la crise de 2008

RÈGLEMENT (UE) N° 1286/2014 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Article 5

  1. Avant de mettre un produit d’investissement packagé de détail et fondé sur l’assurance à la disposition des investisseurs de détail, l’initiateur dudit produit rédige pour ce produit un document d’informations clés conformément aux exigences du présent règlement et publie ce document sur son site internet.

Cela donne selon la contrainte émotionnelle :

  1. Avant de mettre un produit d’investissement packagé, anglicisme incompréhensible imposé, de détail et fondé sur l’assurance -, objet impossible à définir, même après de mois des débats infructueux, des réunions trop onéreuses et ruineuses, trop fastidieuses et ennuyeuses, – à la disposition des investisseurs de détail, incompétents, en manque d’ébaubissement, l’initiateur dudit produit, rédige pour ce produit, et point pour un autre, c’est évident mais soyons précis, un document d’informations clés, – qui par miracle transforme l’investisseur perdu en trader performant chez Goldman Sachs –, conformément aux exigences du présente règlement, texte excessivement verbeux, jamais lu, jamais ébaudissant, et publie ce document sur son site internet.

Alicia : Viveca utilise des incises dans le texte comme si le législateur pensait (une sorte d’intention du législateur ou de courant de conscience du législateur) sur la base de l’économie comportementaliste pour rendre l’investisseur plus optimal, pour devenir riche ; Viveca critique ainsi l’analyse économique du droit fondée sur une théorie économique comportementaliste : l’homme n’est pas si rationnel on rectifie (Kanheman et Tversky, et leur théorie des perspectives, 1979) mais l’on reste dans la logique d’un agent économique qui devrait être rationnel.

Nissim : c’est paradoxe de la finance : un univers déshumanisé, toujours des produits et des instruments packagés, ce n’est pas du contrat, pas d’intuitu personae. Il n’y a pas d’émotion car on ne sait plus à qui appartient les titres, pour autant les décideurs (traders) réagissent de manière animal surenchérissent s’en obéir aux modèles qu’on leur propose.

Alicia raconte qu’elle a assisté à une vente aux enchères au tribunal : l’avocat tournait le dos au tribunal. Le compteur a remplacé la bougie mais il manque l’odeur de la fumée quand la vente est conclue.

Julie, je suis partie de l’arrêt de la Grande Chambre de la CEDH rendu dans l’affaire Nait-Liman le 23 mars 2018 Nai Kliman

Le for de nécessité était invoqué en Suisse pour éviter un risque de déni de justice. En l’espèce, le test est interprété strictement de telle sorte que la solution suisse ne soit pas contraire à l’accès au juge alors qu’il y a eu une situation de torture.

***

Texte original (§217 de l’arrêt):

« Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le rejet par les tribunaux suisses, par application de l’article 3 LDIP, de leur compétence pour connaître de l’action du requérant en vue d’obtenir réparation des actes de torture qu’il allègue avoir subis a poursuivi des buts légitimes et n’était pas disproportionné par rapport à ceux-ci. Dès lors, il n’y a pas eu violation du droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention ».

***

Texte proposé:

  1. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime heureux le cynique rejet par les tribunaux suisses, par application de l’article 3 LDIP, de leur compétence pour connaître de l’action vaine du requérant en vue d’obtenir par hystérie frénétique, réparation des actes de torture bien intentionnés qu’il allègue avoir subis discrètement et que cela a bien judicieusement poursuivi des buts heureux et légitimes et n’était pas grossièrement disproportionné par rapport à ceux-ci. Dès lors, il n’y a pas eu violation du droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention.

C’est sa propre colère qu’elle a voulu exprimer dans l’application de la contrainte. Il y a une hypocrisie de la grand chambre qui indique de l’on pourra faire mieux si la marge d’appréciation des États membres devenait plus réduite

Parfois la Cour de cassation prend un arrêt qui suscitera de l’émotion pour obliger à une réaction législative. Mais ici la CEDH abdique.

Isabelle : derrière tout texte il y a celui qui écrit, que se passe-t-il avec un texte rédigé par l’IA, l’émotion artificielle, même Sirin n’est pas dépourvu d’émotion

Nissim a travaillé sur deux articles du Code civil : l’article 544 est un absolu explicite ; il le rapproche de l’article 212 qui perd de sa vigueur : la fidélité n’inclut pas les sentiments.

Article 544 Créé par Loi 1804-01-27 promulguée le 6 février 1804

La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Devient :

Article 544 du Code civil-

La propriété est le droit de jouir sans aucune entrave et de disposer sans retenue de ce qu’on appelle chose, de la manière la plus absolue et sacrée, pourvu qu’on n’en fasse pas trop un usage un peu prohibé par ce qui reste des lois nationales ou par les règlements.

 

 

Article 212 Modifié par Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 – art. 2 JORF 5 avril 2006

Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.

Devient :

 

Article 212 du Code civil-

Les époux se doivent mutuellement le plus grand respect en public pour préserver et sauvegarder les apparences, un peu de fidélité pour autant que la jurisprudence l’estime encore nécessaire, ce qui n’inclut pas les sentiments, et un résidu de secours et d’assistance dans la mesure où le contrat de séparation de biens et les comptes séparés au Panama le permettent.

Alicia : le respect entre époux est arrivé en 2006, cela a suscité une émotion forte car il s’agissait d’une notion employée pour lutter contre les violences conjugales. Est ce que cela a perdu de sa vigueur ? Oui pour la fidélité non pour le respect.

Alicia a justement travaillé sur respect de la vie privée.

article 16-1-1 du Code civil  : le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.

Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Cela donne :

Le respect infini dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.

Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec un délicat respect, une divine dignité et une éternelle décence.

Ce texte l’énerve notamment la question de la décence du cadavre, est-ce bien réaliste ? Elle introduit avec cet Oudropo,, une dose d’ironie dans le texte (sur l’ironie en droit voir Alexander Somek, Legal Relation, 2017).

Deux arrêts qui ont fait référence à l’émotion dans la motivation du juge ont aussi été cités : l’affaire de la caravane et l’affaire de la poule  : Cass. civ. II 14 sept. 2006 n° 04-20524, Bull. civ. 2006 II n° 222.

« Vu l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; Attendu que, pour condamner Mme X…, le jugement retient notamment « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme X… dotée d’un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu’elle acculait ainsi sans état d’âme et avec l’expérience de l’impunité ses futurs locataires et qu’elle était sortie du domaine virtuel où elle prétendait sévir impunément du moins jusqu’à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement » ; Qu’en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité, le juge a violé le texte susvisé »

Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995 : Au lieu-dit La Rochette, village de Salledes (Puy-de-Dôme), un conflit de voisinage opposait le sieur Rougier à ses voisins, les époux Roche, propriétaires d’un poulailler que le premier estimait trop proche, trop bruyant et trop malodorant. Saisi de la querelle, le  tribunal de Clermont-Ferrand avait donné raison aux plaignants et ordonné la destruction dudit poulailler fauteur de troubles. Furieux, les époux Roche ont fait appel de la décision du tribunal devant la cour d’appel de Riom qui leur a donné raison en ces termes:

« Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard); que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme.

Par ces motifs: statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement, déboute le sieur Rougier de son action et le condamne aux dépens… ».

Julie : L’émotion ne doit pas être apparente dans des conclusions d’avocat mais les clients se plaignent et ne comprennent pas pourquoi leur colère n’est pas exprimée. Les clients le veulent même dans le monde des affaires. La rationalité n’est pas toujours ce que l’on croit (gagner de l’argent, le temps passé traduit en terme monétaire). Une PME pourrait gagner de l’argent en engageant une action en justice mais elle risque d’y passer trop de temps. Il y a une influence de l’économie sur l’émotion. La PME n’a pas les moyens de son émotion, la grosse entreprise a de toute façon son service juridique qu’elle doit faire tourner, elle peut donc être moins rationnelle que la PME.

Isabelle : le droit est-il un habillage des émotions ?

Nissim : aux États-Unis les facultés de droit sont attachés à la faculté des arts ; aux sciences politique en France, or le droit constitutionnel au jury donne de l’importance aux émotions. Cela coûte moins cher d’ouvrir un cours sur les émotions dans une formation de juge pour éviter le burn out que de réformer la justice.

Isabelle : une réponse appropriée dépend du laps du temps temps de l’émotion, s’il y a un déni de l’émotion cela se déplace, autant le prendre en compte.

Nissim : l’acteur de théâtre ressent quelque chose pour elle-même ; à l’inverse, l’émotion est instrumentalisée en droit, le magistrat doit trancher avec un souci de neutralité, il y a un risque de perversion

Alicia cite encore un arrêt de la 2° chambre civile de la Cour de cassation du 14 juin 2018 sur les paris sportif. C’est une pépite rendu la veille de la coupe du monde qui mélange l’émotion et le politique. Un parieur attaquait un joueur qui avait marqué alors qu’il était hors jeu et lui avait fait perdre son pari. Même hors jeu, il n’y a pas de fait qui engage la responsabilité du joueur contre un parieur.

Brachemi Mefta s’interroge sur les émotions liées à la prescription qui est contre les émotions qui ressurgissent. Quieta non movere, or le mot émotion a aussi pour racine movere, ce qui bouge. On fait primer la paix des familles. Le temps n’éteint pas toujours l’émotion, elle peut s’intensifier de manière générationnelle et devenir violente (voir la théorie de l’engagement : traiter des manipulations à l’usage des honnêtes gens, quand on prend des décisions dans un sens on continue car on s’assimile à ses décisions, biais cognitifs. Le droit endort émotion.

A l’Ucam au Canada, le droit se trouve dans l’entité science-po : la médiation c’est génial, fac pourtant très à gauche, solidaire alors que la partie faible est en danger dans une médiation car le droit est libéral. C’est l’émotion contre le droit. Les parties elles mêmes donnent la solution du litige, il n’est pas nécessaire qu’elles sachent la règle de droit, c’est l’inverse du jugement.

Vanessa Marty note qu’en Espagne le médiateur ne doit pas connaître le droit, en Espagne il y a 120 heures de formation, médiation pour organisation complexe, pour l’exécution de l’accord il peut exister un contrôle du juge.

Emmanuel avait fait un oudropo,, en tirant au sort un code sur le Tirokdo entre 1 et 80 sur Légifrance : code 63 code du travail applicable à Mayotte, puis tirage au sort de l’article : 668, l’article le plus proche est le suivant :

Section 1 : Droit à la qualification professionnelle

Article D711-1 Modifié par Décret n°2013-800 du 2 septembre 2013 – art. 1

Le Département de Mayotte et l’Etat contribuent à l’exercice du droit à la qualification, notamment pour les personnes n’ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation initiale.

Selon la contrainte émotionnelle :

Le nouveau et inexpérimenté Département de Mayotte et l’État en appui contribuent solidairement à l’exercice légitime du droit à se former pour avoir un métier apportant un revenu et une reconnaissance sociale, notamment pour les personnes nées sur le territoire français de Mayotte sans qualification de base, n’ayant pas eu dans leur formation initiale la chance d’apprendre un métier conduisant à un emploi.