Poèmes juridique de métro
Sur le modèle du poème de métro oulipien qui consiste à songer à un poème entre deux stations et à l’écrire à la station, le poème juridique de métro est une observation juridique sous forme de poème (qui lui-même n’est pas contraint).
Par exemple
Personne inconnue.
Dans le carré, il s’incruste
Dans le sens de la marche
Il bouge son bras
Il farfouille on ne sait quoi
Une station il se lève déjà
Son ex voisin l’aperçoit de profil
Sans âge sec, pas fou, pas saoul
Droit et invisible
Qui est-il ?
Un couple âgé entre
La femme veut se mettre
A la place de l’homme resté peu de temps
Elle pointe du doigt au passager
Le long porte-feuille élimé
« C’est pas à moi,
il y avait un homme, il a du le laisser »
Il n’est plus sur le quai
Une femme depuis l’autre carré:
“Il y a peut-être un numéro dedans”
“Ah oui je n’y avais pas songé”
Il s’autorise à ouvrir
Une carte de fidélité Fnac
Une pièce d’un centime
Une carte de visite d’avocate
La poche à billet est vide
La carte vitale dans son étui en plastique
Une jeune femme bouclé au teint noir d’Orléans
Va-t-il appeler cette femme ?
Il commence à taper son numéro
Où la verra-t-il ?
Il se ravise
“Je laisserai le porte-feuille à la station”, dit-il tout haut
En face de lui le mari de la femme âgée à ses côtés approuve:
“C’est surtout pour les papiers”
Il reste avec son porte-feuille de femme
À la main, devant lui
Pendant tout le voyage
Il tente de dire au revoir au couple âgé
Qui ne le calcule plus
À l’accueil de Saint-Michel
Il n’y a pas la queue
Trois agents discutent
“Messieurs dames, j’ai trouvé cela”
Ils ont déjà compris:
“- On va s’en occuper, voulez vous laisser votre nom, c’est pas une obligation.
– Si c’est pas une obligation je préfère pas.
– Alors on va mettre: ramener par personne inconnue.”
28 septembre 2017.
Autre contrainte possible dans l’esprit de la précédente :
Poème juridique de séminaire
prendre la phrase la plus marquante d’un séminaire et la décliner pour créer du droit potentiel.
La rhétorique s’est effondrée
La rhétorique s’est effondrée
Il n’y a plus de règle pour inventer
Dit Perec dit la Cerpe
La rhétorique s’est effondrée
La langue n’est plus réglée
Même en droit, même endroit
La rhétorique s’est effondrée
Tout artiste au bord du gouffre
Tout écriveur, tout lawyer
La rhétorique s’est effondrée
Morte par anticipation
Le zombie de l’oulipont
La rhétorique s’est effondrée
Des contraintes à inventer
Où va-t-on, où on va-t-on ?
Howard Becker 28 septembre 2017, Paris Diderot
Voir Cabâzor
Variante, s’inspirer d’un graffiti lu dans le métro.
Règle de vie.
Il a lu trop vite à la station
« Toute règle supporte des exceptions sauf la mort »
Pourquoi à Château d’Eau pendant les travaux ?
Pourquoi ce graffiti paraît-il si vivant ?
Qui a bien pu l’écrire ?
Au lieu de la coiffure africaine ?
La rame est déjà repartie
Il revient deux jours après
Il prépare l’appareil
Trop tard !
La phrase a été recouverte
D’un crépi gris imprécis
La règle sans exception
A été effacée
Était-ce si subversif ?
Une piqûre d’égalité
Restent une règle avec exception
Le château des Dieux immortels.
Tous les hommes sont mortels
Sauf Bill Socrates.