Un relathon est un texte dans lequel les segments entre deux entités sont les acteurs. Se trouvent présentées d’un côté du livre, une certaine densité des couples d’entités et de l’autre, une ubiquité du premier segment observée par un autre duo ou un tiers. Une densité particulière, est unique, mais pas isolée et se transmet, se transforme, se crée, se détruit. Elle peut revenir dans le temps. Une grammaire des segments possibles tient en une douzaine de densités, les autres contacts sont faibles ou communs. Chaque segment dual est des deux côtés de la « causeuse » en bilocation. En effet, les deux relata finissent par se ressembler et peuvent être dans deux endroits en même temps. D’où la présence de narrations internes avec une certaine densité ou épaisseur et de récits extérieurs qui ont une certaine ubiquité. Les densités et les ubiquités se racontent de manière différente d’un côté et de l’autre de la causeuse. La contrainte est donc de présenter des duos en constituant une conjugaison truale (une conjugaison qui se fait à la truelle pour combler les espaces entre les pierres, les entités). Le cahier de charge invite à ne pas employer un mot que Max Jacob trouve particulièrement laid : la relation (et aussi le lien et le rapport), et qui tend à essentialiser le duo en en faisant une nouvelle entité, alors qu’il s’agit d’une distance sous l’égide d’un autre espace en transformation perpétuelle.

Contrainte de lecture : ce relathon est écrit à partir d’une contrainte principale : les personnages sont des relations et non des entités ; c’est pourquoi il convient de lire densité 1 puis ubiquité 1 puis densité 2 et ubiquité 2 et ainsi de suite car le texte a été écrit pour un livre-causeuse en S ayant deux parties pour deux lecteurs qui se suivent. Bien sûr le texte a quand même un sens si toutes les densités sont lues avant les ubiquités mais ce n’est plus alors un véritable relathon mais plutôt probablement une expérience de poésie-nouveau roman.

Je nous séparons, enlacé

Relathon

 

Parties I.- Les densités.

Densité 1 : tronc, Samax

Densité 2 : racine et feuille Rawax

Densité 3 : eau, Rascole.

Densité 4 : Plomb, Prinséou

Densité 5 : toile, Tailleur-de-Lumière.

Densité 6 : bovin, Picax

Densité 7 : plutonium Jalonnais, Kenoliet

Densité 8 : verre, Multiken

Densité 9 : falaise, Prinsonne

Densité 10 : laine, Gouaqteur

Densité 11 : noix, Gouakraon

Densité 12 : papier, le Bimoqteur

Partie II.- Les ubiquités.

Ubiquité 1 : cambium, Samax

Ubiquité 2 : vide Rawax et Rascole

Ubiquité 3 : champignon, effacement de Rawax.

Ubiquité 4 : anneau de Saturne, Prinséou.

Ubiquité 5 : mailles, Tailleur-de-Lumière et Prinséou.

Ubiquité 6 : génisses, Picax.

Ubiquité 7 : café, Jalonnais puis Kenoliet.

Ubiquité 8 : hasard, Multiken.

Ubiquité 9 : tunnel, Prinsonne

Ubiquité 10 : ondes, Gouakraon

Ubiquité 11 : terre, Gouaqteur

Ubiquité 12 : vent, Bimoqteur.

Centon sur les séparations enlacées.

Références.

Parties I.- Les densités.

Densité 1 : tronc, Samax

Près d’un hippopotame au bord d’un étang,

j’avons vu courir des chars à deux jumeaux entre les arbres.

Ces arbres ne sont plus que les palmes bleutées de deux aigles qui crient : « Samax ! ».

Souvenirs diffus de l’anastomose d’un châtaignier et d’un hêtre où je gravîmes, avec 75 ans d’intervalle, notre nom de grand-père-petite-fille : « Samax ».

Mémoires précises des courses de charriots dans le ciel ! Deux voyageurs ! Ce ne sont plus que de pauvres jouets tels qu’on les verrait en creux ! Les jumeaux n’ont plus de vie et nos deux voyants sont casqués de noir. Les symboles qui nous distancient ne sont pas le galop élastique autour de l’étang, mais quelques hauts-fonds en ronde bosse qui cacheraient à notre douleur un hybride de châtaignier et de hêtres où notre nom de grand-père-petit-fille fut inscrit.

Samax, lion de cent ans.

A 13 ans, je voyons un jeune de 20 ans comme s’il en avait trente. A 75 ans, on s’étonne de ce qu’aucun de ces jeunes de 20 ans n’a la tête de ses propres amis d’enfance.

Le double grand-père-fille flotte au-dessus du temps.

Je, Samax, sommes perpétuels : ma partie ancienne couvre le 19° siècle, ma partie la plus récente le début du 20° mais je sommes présent par transformation dans une série jusqu’à aujourd’hui et même demain. Il est logique que ma partie la plus récente ressemble comme deux gouttes d’eau à la partie la plus ancienne au même âge car ce qui fait les traits du creux entre les visages est ce qui nous unit.

Quand je nous promenons dans les bois en face de la ville de l’autre côté de l’Esse jusqu’au bout de l’étang, je suis le vide entre deux pousses d’arbres mobiles, l’ancienne partie et la nouvelle partie faisant corps avec le même tremble de plus de 3000 ans. Ces parties ont une sorte de densité en trompe l’œil car on croit voir deux personnes alors que c’est moi au milieu des deux troncs joints ; a priori sans densité, fait d’écart et de silence, en réalité fort dense par un effet d’infini.

Mon pôle ancien est venu de nulle part et a reçu mille vents. Je sommes né d’une absence car mon pôle le plus récent n’avait nulle part où se mettre : sa mère et ses ainés prenaient toute la place, et ma partie la plus ancienne n’avait guère de contact avec son fils, que commercial. Mon pôle ancien a créé le style gallimoron en incrustant des motifs de broderies traditionnelles sur des costumes ou des meubles contemporains ;

la plus récente de mes extrêmes a créé le mot pyramidisme et a été précurseure de l’Oupluto, l’ouvroir de plutonium torrentiel.

Je décidâmes un jour que je n’allions plus marcher pour parler. J’eûmes mille idées pour cela :

portage, sédentarité totale,

j’optâmes pour une causeuse à roulette en forme de S :

les deux fauteuils étaient accrochés mais pas dans la même direction ; ils permettaient de se parler à quelques centimètres sans être entendus, chacun ayant le dos à l’opposé de l’autre. Dans le grand salon toujours plein de marmots et de passages, la causeuse à roulette pouvait avancer avec nos pieds au sol. J’avions aussi installé, entre nous, une tablette solidaire de l’ensemble du meuble.

J’avons prévu des rails sur les escaliers permettant de les descendre grâce aux roulettes et à une corde d’assurance permettant de ralentir la descente.

Dans l’autre sens, un jeu de poulies permettait de monter.

Dehors, dans la rue, nous avancions assis, avec nos quatre pieds.

J’avons également organisé des spectacles tournant avec ce meuble, l’un pouvant parler vers le public à la suite de l’autre, de telle sorte que les paroles restaient clairement compréhensibles.

J’avons commandé à l’atelier de broderie de quoi parer de motifs d’arbres cette causeuse à roulette et à tab-lettre.

J’y avons étudié l’histoire, les langues, les étoiles et les secrets ;:

Faces causeuses des fraisons de saison

Leur maille lotionne la frisette de la lyre

Offre de discothèse sur un air de psalmiste

Son des constellations des ruelles à minuit

Sous-sol sourd d’un véritable non être

Déscellement grisant d’un cœur long de palmier

Les perdus de la démarche en céleri

Cour de vétusté en contraintervention

Vogaison de la causeuse en vadrouille

J’avons fait un jeu d’allumettes en fondant deux quantités de phosphore (PP) et une quantité de soufre (S) dans une cuillère chauffée avec une bougie.

J’avions choisi un morceau de tremble abîmé par un chevreuil et je l’avions découpé en fines lamelles. Je les trempions tour à tour dans la cuillère où le liquide s’était cristallisé. Je comptâmes dix allumettes rapidement trempées, cinq au bout rouge et cinq au bout jaune.

Recuisant plusieurs fois du phosphore blanc récolté sur des os d’oiseaux, j’avions fini par le faire tourner au rouge. Au fond d’une boîte que j’appelâmes d’un commun accord Pyrogène, je plaçâmes une bande d’écorce de saule sur laquelle nous versâmes le reste du liquide refroidi rougeâtre. J’avions ainsi fabriqué un grattoir.

Quand ma partie ancienne fut sur le point de se réincarner, ma partie jeune s’y joignit pour ne faire qu’un.

Avec une des allumettes jaunes, j’allumâmes une bougie ; quand elle s’éteignit ma partie ancienne était partie. Je nous, c’est par âmes, enlacés.

Densité 2 : racine et feuille Rawax

Peu après le décès de ma partie ancienne, j’avons remplacé Samax.

Notre partie feuille voyait bien que tout ne pouvait se transvaser et qu’il y avait du danger à vouloir se transférer. Nos deux pôles avaient maintenant le même âge, même si l’un était les racines et l’autre les feuilles. La-jeune-pousse était devenue la-feuille-au-vent et la racine paraissait assez solidement plantée pour faire le tri, même si elle avait le même âge que ses feuilles.

C’est dangereux d’être une racine, il faut avoir voyager avant de s’enraciner ;

il faut supporter les champignons capricants.

La-feuille-au-vent admirait la racine d’où provenait le génie poétique de Rawax et l’aimait secrètement. Pour pouvoir peut-être être, la feuille faisait levier en admirant unilatéralement la racine. Il y avait en moi, mêlés, un amour non partagé et la beauté indivisible de la bilocation.

J’avions en effet la capacité à être à deux endroits en même temps : nos amis du lycée de la Tour d’Auvergne s’étonnaient : « mais je viens juste de te voir, comment as-tu fait ? ».

Rawax re-formait Samax : il était question de la théorie des dix espaces de l’univers et de la possibilité de ne pas prédire l’avenir pour comprendre le présent.

Je nous asseyons parfois sur la causeuse à roulette pour parler de Samax ; je fabriquions des textes à partir de fragments proposés par l’une et l’autre collés sur la tab-

lettre. Un seul sur cent était intéressant, il fallait y passer beaucoup de temps, beaucoup de jeudis et de samedis.

La feuille n’ayant pas de pratique de l’infini aimait l’approche émotive et colorée de la racine :

J’ouvrons à deux battants le tunnel de la glaise ; et chacun

Se précipitons, je crions, on se bousculons ;

Un duo tient dans leur main une bougie de cire

Pour l’offrir au muret de l’horizon ; un autre duo qu’on admire

Porte des ex-photos en deux parties, tout meurtris par les chocs :

A ces cieux des tailleurs et brodeurs de lumière

J’entourons les rochers de feuilles et de branches

Et des doubles vagues vêtues de longues robes blanches unies

Soutiennent le varech de la nuit

La crique aux deux chemins, on la confie à un couple de baigneurs.

Les tee-shirts brodés d’or qui marchent en tête

Relient les hommes de peu entre eux. Du faîte

De la crique entre les deux falaises, les duos en silence, à genoux,

Regardent défiler le long cortège et tous

Répètent quelques actions de surf, quand les deux arbitres les maudissent en passant. Oh ! chants champêtres

Timide et douce flore de notre dur granit,

Élan du moindre cœur vers le grand infini,

Oh ! soit dans la falaise et le long de la route

Combien vous remuez les peurs des compétiteurs qui vous écoute !

Comment croire lorsqu’on entend crier vos porte-voix,

Qu’ils étaient plus fervents les Gallimorons d’autrefois.

Je fûmes dissous une première fois quand la racine partit étudier à Liren et la feuille à Montertre. En guise de serment, la feuille divisa les allumettes qui lui restait dans la boite appelée Pyrogène en deux. Il laissa les quatre allumettes jaunes à la racine dans une boîte d’allumette ordinaire et conserva les cinq allumettes rouges.

Je fûmes effacés de la réalité pour devenir

fantôme quand la feuille reçue une lettre de Rascole provenant de la ville de Liren, qui le prévenait de « l’accident » survenu à la racine.

La feuille réagit aussitôt : « Dis-nous que ça n’est pas mortel, rassurez-nous, je vous en supplions, rassurez-nous de suite. Vous aussi vous semblez vous aimer en ami, vous savez ce que c’est que cet autre vous-même ; mais pourquoi m’annoncer son suicide ? Saviez-vous que je l’aimions ?».

Quand la nouvelle fut confirmée, je chancelâmes accroché par un bout à un fantôme et la feuille eut raison de brûler nos œuvres communes avec une des cinq allumettes rouges. Dans les volutes de fumée, je me séparâmes enlacés.

Densité 3 : eau, Rascole.

Au cours des rendez-vous de Rascole, dans les jardins du Thabor, la racine expliquait la fin du

romantisme, le dépassement du

symbolisme et le retour du

Baroque irrelationnel avec la poésie d’échange que nous pratiquions.

Ma partie d’ancienne famille se sentait dépassée et un peu mal à l’aise, nous trouvant trop emportés, un peu tout fou et paradoxalement pas aussi

amoureux qu’elle ne l’aurait voulu. La racine était trop tiraillée entre son passé de Rawax et son avenir

d’héritier d’un grand groupe d’imprimeries.

J’écrivîmes dans un café, chacun un vers à la suite

de l’autre, remodifié ensuite par l’autre ::

Vides karstiques entre deux mammifères

Marins bisques sismiques du dragage à la traîne

Cavités karmiques fortes des eaux souterraines

Géodésirs des puffins de Flaubert

Karsification des calcaires sans faille géologique

Un pieu en acier rempli de calculoïde

Un treillis métallique en forme de pyramide

Boues visqueuses lubrifiantes d’une toiture géodésique

Les joues et déblais d’un marnage en satin

Un tuyau se dépose au fond des fonds marins

La turbidité des eaux des peuplements benthiques

Une couche de sédiments aux effets acoustiques

Forgé de raccordement

Commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses ?)

Scellement du lessivage pendant le coulage

Blush soyeux le long du tracé des câbles

Graviers et galets de l’encorbellement des galbes

Rose des pâles encordements sous les matières rugueuses

Risques de contamination par des substances bulbeuses

Déplacements de blocs bileux sur la surface planète

Injection entre les pieux des parois de la jacket

Licornes électriques sur un lit de civelles

Huiles graisseuses d’hydrocarbures

Silice et carbone de chaux dans la corbeille

L’attentat au couteau viral à toute allure

Elle remonte le fleuve avec toutes ses lingues

Ambiance sonore marine de sa ponctuation ,;

Impact auto-tistique des magistères meringues

Audiogrammes retenus de leur transpiration

Les hauts vols des tripodes monopieux

La collision des machines en mer d’Yeu

L’anglais muffin du moineau en transit

Le piano barge à queue noire en sourd site

Le plongeon imbrin dans l’huitre caprice

Les tortues céphalopodes chanteuses

Le cargo luth des migratrices

Séparation transport des productions angeleuses

Les amphihalins chiroptères s’encrochent

Démantèlement de la pipistrelle de nautilouce

Vols chromatiques des anguilles en accroche

Ils sont catadromés de saumure en couteau par un ours !;

Je paraissions à ma partie de vieille famille une construction fragile, déséquilibré. La racine était sans doute géniale mais pas assez terre à terre, pas assez humain, trop dans son art et pas assez dans Rascole justement, alors même que mes écrits dépendaient de ses suggestions pour garder un sens, pour ne pas trop se disperser ; elle ne comprenait que trop bien maintenant l’idée de fusion incompossible dont il parlait sans cesse.

Elle fit attendre chacun de leur rendez-vous et les espaça pour essayer d’assouplir leur distance. Elle généra de la jalousie en discutant avec un autre étudiant. Rascole grandissaient encore et mes textes se faisaient plus

sauvages, plus

maritimes encore. J’inventions des mots comme si je voyions l’avenir ou justement ne le voyions pas, comme si je n’avions plus

de langue commune :

Lit minimal d’accomprennement

Étance de déversoir d’êtres incendifiés

Les déboires du terrain nappent les fossés

Colmatage du pressoir des vidanges

Renversement des distances buvables des arraisonnées

Volange du batardeau au miroir

Fond de la côte normale dénivelante

Territoires aquatiques salmonidés en superature

Frayères de prélèvement des écostiques altérés

Plans d’évacuation des eaux dans le surversant

Les indésignés des températurels

Le dire-part des eaux du plan d’eau

Aquatiquer les sources des manœuvres

Princidentifier les travaux du turbot

D’autres poissons évitent l’alimension de ruisselles

Surface débit des limons déséquivant

Plantations de la nappe phréatiques de l’envasement des systèmes

Les mineurs équilibrent la violence batardeau par pompagnement

Système Debord du situé dérivé

Plan d’envahissage répondant au survers

Plein bord de l’opération du suscepteur créatique

J’étouffions, un peu décalés dans la ville de Liren, déjà une capitale, où l’on n’était pas si grand et si sauvage que Rawax. Ma partie vieille famille cessa d’un coup d’idéaliser

 la racine, je nous parlions comme des enfants, que nous avions vu en nous. Je fûmes désespérés.

Ma partie vielle famille ne voulait pas durer, voulait découvrir le monde et voyager ; la racine voulait mener au bout Rascole, ne comprenant pas le désintérêt de son autre pôle. Je fûmes désintégré quand ma partie vielle famille partit pour Montertre

poursuivre ses études. Elle lui demanda de la serrer

fort ;; il ne sut que

l’écraser jusqu’à ce que je me disjoignâmes.

Ma partie vieille famille brûla les textes de Rascole dans les toilettes du train pour Montertre à la hauteur de

l’abbaye cistersienne de Clermont. Elle utilisa une des allumettes jaunes de la boîte que lui avait donné la racine.

La racine désaffiliée de Rawax puis de Rascole se jeta dans le fleuve Esse. Elle n’avait pas compris qu’elle était encore

liée à une autre racine de son enfance, son frère, qui se retrouva seul et se jeta à son tour

dans la rivière deux ans après. Il ne resta qu’un demi-frère, né d’un deuxième lit. Je devinmes Prinséou conservant le fantôme de la racine auquel je devions tout.

 Je nous enlacérâmes, déses-séparés.

Densité 4 : Plomb, Prinséou

La partie vieille famille de Rascole envoya la boîte avec les deux allumettes jaunes restantes à l’héritier des imprimeurs, le demi-frère de la racine, avec une lettre expliquant son origine. Elle ne voulait plus en entendre parler et pensait que cela lui revenait.

Redevable à la racine de lui avoir laissé l’imprimerie je devînmes Prinséou.

J’unissons secrètement l’héritier de la dynastie d’imprimeurs, à celui qui aurait dû hériter, sa racine, s’il n’avaient pas été Rawax et ne s’étaient jetés dans le fleuve entre 1889 et 1891

(entrainant d’ailleurs son jeune frère au suicide également un an plus tard).

Il a aussi fallu que ma partie dynastique soit née quelques années après la racine après un second mariage. L’ancêtre avait épousé la fille d’un imprimeur venu de Malestroit. Le premier de la dynastie n’était donc pas le fondateur mais un simple

segment. Ce n’est pas ce que raconte la légende familiale de l’entreprise.

Le premier de la dynastie avait épousé la fille du fiancé qui avait monté une affaire florissante d’imprimerie. Mais il eut une attaque cérébrale, resta paralysé et dû être remplacé par son gendre.

Le demi-frère de la racine n’aurait pas dû être l’héritier et est resté attaché à celui-ci par une dette

inextinguible au point de devenir ce que je sommes : Prinséou.

Depuis tant de siècles, nous qui vivons le plus souvent dans nos âmes passées, je me souvenons mieux des

figures de nos ennemies dans les arbres de

l’hippopotame de l’étang que de celle du roi fondateur :

Deux chevaliers de l’armée du duc accusés

Les nuisances nubiles campent cinq huttes de justice

Glaise fermée de duvets et murailles

La mitre d’un chastel d’enclave

Paysans brulés par les dernières guerres des halles

Tri de ban épanche les quarante jars

L’étang et les mutins à blé et à draps

L’étang et le mutin des haches

Le mutin à vent de la jarnac de terre

Jarnac de prairies s’y captivante

L’imprimerie fut florissante avec moi car j’avions une dette infinie envers la racine devenue le

fantôme, qui m’avait permis d’hériter. J’avons fait venir de Chine (grâce à deux cousins mariniers) un papier d’une grande finesse pour pouvoir éditer toute la littérature

Villarcotaise. Rawax n’avait pu s’exprimer car ils était trop exalté. Jusque-là l’imprimerie s’occupait surtout de presse, de publicité commerciale et de faire-part ; elle se mit à imprimer les œuvres complètes de tous les grands écrivains comme aurait dû l’être la racine. Toute la Pléiade depuis Ronsard-du-Bellay jusqu’aux auteurs contemporains comme

Zojarry ont été imprimés ici à Quindé sur mes machines. Peu m’importait d’écraser la concurrence, je rachetions des imprimeries que nous avions mis sur la

paille. Pour être plus compétitifs, je mîmes en place une chaîne industrielle intégrée :

  • une scierie à Morlaiox,
  • une papèterie à Bénodiern,
  • l’imprimerie centrale à Quindé.

Peu nous importait les écrivains antérieurs à la stabilisation de la langue villarcotaise : les grands rhétoriqueurs qui mélayaient les langues régionales et le latin ne nous intéressaient

pas.

Je tentâmes ainsi d’avoir une

vision pour les générations suivantes. Je ne transmettions pas seulement une affaire, mais un projet, une langue, une littérature, une manière de voir le monde. Rawax écrivèrent dès la fin du 19° siècle qu’il fallait conserver une culture classique et ne pas s’américaniser. J’avions conservé la bibliothèque poétique de Rawax et prenions soin de travailler avec des éditeurs de textes

courts

même s’ils n’étaient pas les plus rémunérateurs. J’espérions qu’ainsi Rawax ne resterait pas un

fantôme néfaste dans notre dynastie.

Je-nous est par nos âmes enlacés.

Densité 5 : toile, Tailleur-de-Lumière.

Je ne dirons pas si ma partie lumière a tué mon ombre car je ne sommes pas une balance, ce que je sommes est un infini qui n’a pas fait son deuil, car le corps de mon ombre n’a jamais été retrouvé. Je sommes en bilocation :  parfois par hallucination mes relata peuvent se voir en même temps dans deux endroits différents. Ainsi, j’avons pu être aperçu en Amérique dans les années 1950 quand j’étions au bagne de la Guyane et aux Etats-Unis : forme distendue qui cherchait sans fin son terme disparu. Je m’étions déjà déplacés au Havricote en 1923 où l’on avait cru nous voir et j’avions même écrit un télégramme disant que j’allions bien et que je partions en Amérique. Mais j’étions déjà liés infiniment sans possibilité de me disjoindre. C’est Prinséou qui nous a réuni pour quelques jours et finalement pour toujours.

Prinséou étaient l’héritier fantômisé de la Dynastie d’imprimeurs. Ma partie lumineuse dirigeait la scierie ; mon ombre, la papèterie. Après la 1re guerre mondiale, je travaillions avec des éditeurs Montertrois et ne pouvions pas répondre à tout leur besoin, manquant de moyens de transport. J’avions entendu dire que les américains voulaient vendre des camions blindés de la marque Cadillac qui avaient été utilisés pendant la guerre. Prinséou nous demandèrent de mener la négociation.

Ma partie lumineuse départit en Cadillac le 24 mai 1923 de Morlaiox. Je nous retrouvâmes avec mon ombre à Liren. Je montions à Montertre pour organiser une transaction, avec les Russes, de camions blindés de la marque Cadillac. Je discutâmes en chemin d’autres affaires qui nous venaient à l’esprit. Tout était encore à reconstruire.

Le 25 mai 1923, après de multiples pannes de la voiture Cadillac, je nous séparâmes à Dreux (mon ombre prit le train).  A Houdanda, ville d’Anne de Gallarmor (ancienne propriétaire), je restâmes en bilocation, tant chacune de mes parties se ressemblait. On me vit en deux endroits différents au même moment.

Je me rendîmes au Havricote d’où j’envoyâmes un télégramme le 13 juin 1923 disant que j’allions bien. J’écrivîmes sur une machine à écrire retrouvée plus tard dans la scierie.

 

Je ramenâmes la Cadillac décapotable de 36 chevaux à Morlaiox le 27 mai 1923.  Je clamâmes mon innocence, malgré que je ne pûmes pouvoir montrer ma partie d’ombre disparue. Je perdîmes mon procès en 1924 aux assises de Quindé à moins de 300 mètres de l’ancienne chambre de Rawax.

Selon les juges, ma partie lumineuse avait tué mon ombre et l’avait fait disparaître de telle sorte que je sommes devenus Tailleur-de-Lumière : la relation fantôme vouée à hanter les esprits des descendants pendant sept générations. Je fûmes envoyer sur l’île Royale, une des trois îles formant l’archipel du salut. Les gardiens tapaient avec des bâtons sur nos cages, j’écrivions sur les murs avec un tesson de bouteille ::

Au second son qui retentit, se soulevant de nos os d’entre-flancs

Regardant nos yeux flamboyants et farouches

Voici que le rien entre nos deux bouches chanta la rugueuse éploraison

A l’heure où le rayon de lumière sur le bagne se déraille

Revenons au tribunal. Revenons aux assises.

Je verrons les bras-noués aussi nues que salades.

A la sortie, personne pour nous bonsoirer, sauf la graveuse

 « est-il vrai que j’avions des criminels comme ancêtres ? »

  • Ah l’infini ! le bagne jusqu’à pas d’âge

Plutôt que de notre petite-fille recevoir ce message !

Forçats et petite-fille pleurions le soir

En forgeant un vitrail dans le couloir

A notre retour du bagne, je vécûmes près de la place de la Nation. Je vîmes mon ombre en songe enterrée près de la scierie mais je n’y étions pas. Ma partie lumineuse mourut des suites d’un accident de camionnettes.

Mais Tailleur-de-Lumière, je continue à hanter les esprits jusqu’à former avec la petite-fille de Lumière une Graveuse-d’Ombre persuadée de son existence. Je nous sommes enlacés inséparés.

Densité 6 : bovin, Picax

Rawax visitèrent l’île du taureau au large de Morlaiox : le guide leur raconta que dans cette prison avaient été enfermés le segment anarchiste Barbès-Michel après la Commune de Montertre.

Je, Picax, sommes le résultat d’une transformation de Rawax. Le pôle racine s’est suicidé en se jetant à l’eau mais n’a pas entièrement tué Rawax. Sa disparition impossible est à mon origine. La concurrence littéraire a tué Rawax de l’intérieur, ma concurrence

picturale interne a failli me tuer. Je peignons ensemble des petites formes géométriques qui formaient en creux une sorte de pyramides de personnages et de bovins. Mais j’étions déséquilibré.

Ma partie feuille a failli renoncer à la peinture et à ses ambitions, écrasé par ma partie pinceau. Le mythe selon lequel je dormions dans le même lit, un pôle à la suite de l’autre, l’un le jour et l’autre la nuit n’est pas complètement pas faux. Je dormions ensemble en début ou en fin de nuit. « Je » n’étions plus rien et « nous » était tout.

Ma partie pinceau venait d’un pays de taureaux et ma partie feuille d’un pays de vaches ; l’une révérait l’autre qui aimait être adoré ; j’étions une diagonale montante parfois descendante. Le pôle feuille de Rawax, encore existant, a accueilli le pinceau à Montertre alors que celui-ci avait perdu son compagnon également suicidé. J’avions la même histoire. Je nous entraidions. Surtout ma feuille aidait mon pinceau à percer pendant que ce dernier n’hésitait pas à envoyer des banderilles à la feuille encore Rawax. Petit à petit, je sommes devenus Picax. On croyait nous voir dans deux endroits de Montertre en même temps, tant je nous ressemblions. Je m’étirions, je m’écartelions quand ma partie pinceau trahissait la feuille, redevenue, pour un temps de dépression, Rawax. J’avions été uni physiquement une fois, mais je préférions nettement la bilocation. La feuille vache en moi organisa une exposition pour le taureau pinceau qui mit ses cornes sur son cou. La feuille offrit une de ses quatre allumettes de contrebande rouges au pinceau lorsqu’il devint célèbre afin qu’il ne  m’oublie pas.

J’avions appelé Bateau Ouvroir, notre atelier près de la rue Picagnan en hommage à l’ouvroir de broderie que l’ancêtre de la racine avait fondé à Quindé :

Opportunément mon petit-fils à l’heure où tout s’explose

Pour contempler une invasion de souris

L’incendie est comme une rose de Dalhia

Ouverte sur la queue d’étang de Kraon

 Je vous devons tout, nos douleurs et nos joies…

J’avons tant pleuré pour m’entre-pardonner !…

Je te regrettons tant, notre rue de Picagnan !

De tes moteurs qu’on appelle antimatière

Sur des tréteaux m’ont enseigné la cour…

Mais la rue Picagnan est celle que j’adorons

Pour les fissures entrelacées de nos porte-barons.

Je partions souvent de la place de la Nation pour une promenade jusqu’au bois de Boulogne avec une contrainte d’écriture et de peinture : il fallait suivre par exemple toutes les taches rouges.

Un couple polonisé nous tira dessus sur le Pont Mirabeau jusqu’à ce qu’eux-mêmes disparurent de la grippe. Je n’existions plus que par intermittence quand je nous retrouvions pour un soir, une nuit ou des vacances dans les Pyrénées. Je n’étions qu’un couple de passage car mon pinceau n’était pas fidèle ; j’étions pourtant fort fort, influençant tout le monde jusqu’à l’Oupluto.

Mon pinceau ne laissa pas la poésie à ma feuille, il vint rejoindre Picax une nuit près de l’Esse pour devenir ensemble auteur. Je n’étions plus possible car le pinceau voulait tout vivre et être tout, tout en restant Picax. La feuille lui demanda si quelqu’un lui avait déjà dit qu’il était poète. Le pinceau lui montra une de ses œuvres. C’était un sonnet malaisant et embarrassant. Il ne parlait que de lui et de sa gloire. La feuille qui s’était réalisée par des heures de méditations dans une vieille cathédrale y lut la détresse d’un génie encombré de lui-même. Le pinceau sortit l’allumette rouge qu’elle lui avait autrefois offerte et mit le feu à ce détritus.

La feuille résista au désespoir glorieux de ce mauvais ange et, au matin, lâcha Picax.

Densité 7 : plutonium Jalonnais, Kenoliet

Mon pôle amateur d’échecs se rendait souvent chez ce qui restait de Picax, rue Nolet à Montertre et finit par y former Jalonnais.

Un ouvroir de broderie avait été créé par Prinséou à Quindé en marge de leur imprimerie. Ils travaillaient pour Samax, tailleur, qui imaginaient des costumes gallimorons rehaussés de broderie. Samax a transmis l’idée d’ouvroir à Rawax puis à Picax lorsque ma partie d’échec venait rendre visite à ma partie feuille dans sa chambre d’hôtel rue Nolet.

 L’idée y avait surgi d’utiliser le troisième secteur, c’est-à-dire les documents administratifs et juridiques contrairement au premier secteur de la grande littérature et au second de la littérature de gare et policière. J’avons été productif en tant que Jalonnais. Ma partie feuille avait empêché ma partie d’échec de venir avec sa muse russe qui lui faisait de l’ombre. Je nous retrouvions après la journée de travail de ma partie d’échec. J’avions réfléchi à une explosion des signes pour faire danser la terre. J’avions imaginé une sorte de laboratoire des lettres et même créé imaginairement le futur plutonium qui devait amener le bien sur terre dans deux siècles. Je n’arrêtions pas de refaire le monde. La feuille offrit une boîte d’allumettes rouges de contrebande à ma partie joueuse d’échec pour symboliser cet embrasement. Il n’en restait que quatre. J’écrivîmes un soir :

Parfois tout en tueur je me levons hurlant,

Je sautons hors du bide, l’estomac craquelant

Allons prendre nos fusils, et d’une main tremblotante

Heurtant contre le fer de l’épée étincelante

Après nous être donné maints coups en plein dans l’foie

Après qu’entre les dents j’avons juré mille croix

Une gerbe de feu court du canon dans la tête

Ravivant aussitôt cette matière bête

J’y portons l’allumette en n’osant respirer

De crainte de l’odeur qui nous fait retirer,

Au travers de ce feu puant, rougeâtre et sombre,

J’entrevoyons flotter le fantôme d’une ombre…

Je l’enflammâmes aussitôt avec l’une des trois allumettes rouges. Après la seconde guerre mondiale et la disparition de la feuille, je me sommes mué en

Kenoliet. Ma partie d’échec avait en effet rencontré un laborantin de premier ordre et je pouvions passer à la phase d’expérimentation.

Je créâmes l’Ouvroir de Plutonium Torrentiel, bientôt surnommé Oupluto.

Je mêlions les signes pour en faire de nouvelles matières et nous y mîmes le feu avec une des quatre allumettes rouge de contrebande de ma partie d’échec : je fîmes différentes formes d’exercice plastique, des œuvres éternelles bifacées et surtout du plutonium à 239 voire 240 lettres pour un seul vers. Ce fut un moment d’intense créativité. Ma partie d’échec organisait mais l’expérimentateur

animait. On nous prenait l’un pour l’autre, je vivions en bilocation. Je fis don de mes deux dernières allumettes rouges à mon pôle expérimentateur.

J’enlacions cette embrasée.

Densité 8 : verre, Multiken

Le passage entre Jalonnais, Kenoliet et, moi, Multiken, a pris 50 ans entre 1930 et 1980. L’Oupluto, l’ouvroir de plutonium torrentiel, nous avait réuni.

Ma partie kenolienne et ma partie sibérienne se sont rencontrés dans les années 1970-1980 au sein du groupe Oupluto.

Je buvions du vin et de la vodka. Je mangions des œufs à plat sur des poêles bifacées.

J’écrivions, peignions et gravions des scénarios de films. Finalement, je fabriquions de grandes jarres en verre remplies d’un mélange d’huile de noix et de vodka dans lequel flottaient des mots écrits sur des films transparents.

Exilés, je me sommes retrouvés pour parler des incompossibles. Ma partie kenolienne jouait aux échecs. Mon pôle sibérien parlait cinq langues, écrivaient en cyrillique, en hébreux et en lettres romanes mais en faisant plein de fautes. Comme chez Rawax, mes tableaux pouvaient être mis à l’endroit ou à l’envers, des duos volaient dans les airs, des parents tristes étaient composés de parents gais, comme des poupées ukrainiennes qui couraient après des oiseaux rouges dans de grandes bouteilles en verre. J’écrivions aussi des cadavres bifacées :

Les carottes Multitubes

Les carottes de fibules

Qui s’appelent Multitubes

Je leur donnons deux plaques

Ça fait pas d’anarques

Je leur donnons deux poussées

Elles tombent d’un côté

Je les changeons en larves

Ça leur fait de longues varves

Je les tombons dans le feu

Ça nous fait des frileux !

Ouille! Aïe! Ça fait bien du mal !

J’avons les narines qui braillent

Comme boule de grenailles.

Tout est devenu plus compliqué avec l’arrivée dans le paysage de la Graveuse-d’ombre. J’avons formé quelques temps un espace carcéral qui volait comme un avion en papier. Un soir ma partie sibérienne mis le feu avec l’une des deux dernières allumettes rouges de kenolienne à cet attelage improbable. Je nous enlacions cep armé.

Densité 9 : falaise, Prinsonne

Je ne suis pas un arbre, mais je sommes tout de même

vertical. Chaque maillon est enfermé par les décisions antérieures et les fantômes restés sans seuil.

Je sommes une pointe dans l’océan, le haut d’une grande falaise. J’avons le poids de 200 ans d’histoire sur nos épaules mais ne sommes qu’un segment d’une longue chaîne.

Une boite ordinaire d’allumettes que m’a légué ma grand-mère et qui provenait de Prinséou m’est précieuse car elle symbolise ce graphe linéaire même si elle ne comporte plus que deux allumettes jaunes.

J’aimons conter des tubes en Villarcotais et écouter danser les titans sans ballon ::

Ligri-gri l’écloppé dans l’entrejeu

Marco Ruud van Maracelan dans son pré carré

Foden feu Verlain de Cantona courage

Jérémie ayant encore pied d’Inca

Le mur Quaresma Baudolo au boulot

Cuir de la tête du prince Rayotte Upamecappé

Retourné du fier Jérémie Surface

Pelé Pied fait une Kopamecano préboeuf implatiné

                    Thurambele secoue les filets d’or de blé

Des rires secouent Loguirassi l’as du jeu d’osselet

Ronaymond Kopanot file à Okochette toute but

Maradollet place la petite tête de Pelé Pied

Fodarabioyo tacle la tête du Christ et casse les jambelles de Depayacottet

Maradonavo bricole la Têtetzka comme au ciel

Dembelera garde la surface du cou de Michaula

Franck Leborgne Wehahah lui casse les jambières

Pamecano reconnait le cri de Jay-Jay Okochassable

Les jambons de Courtois géantent les redoutables Grecs

Ainsi combat l’humain demeuré l’animal

Fontaine entre et le renard Cristiano Goretzka tombe des cieux

Goethe le Best grand haphazard au nez

Marco vanne le malicieux Meurderline qui casse Bappéxaspéré

Rimbauboeuf est dans l’impasse

Mallarbilé a décapité Tut Fradona Milton

Notre profonde motivation est de maintenir la lignée des imprimeurs. Ma partie dynastique grandit à Montertre, capitale de la Villocellerie, près de la source de l’Esse et donc loin de Quindé où l’Esse se jette dans la mer.

Elle conduisit rapidement l’entreprise à la faillite car elle était sans fond, arrogante et vide ayant vécu dans l’opulence. En réalité, elle était le terme de deux opposés, entre sa grand-mère espionne et son oncle coincé. Son identité était fracturée entre ses deux densités jusqu’à ce que je devenions

Prinsonne.

Jusque-là ma partie dynastique était une branche cassée tourbillonnante dans le vent et la fête. Sa grand-mère avait été résistante pendant la seconde guerre mondiale. Elle fut ensuite une espionne soviétique jusqu’à la mort de Staline. Elle se noua fortement avec ma branche dynastique quand elle était adolescente.

Elle lui racontait sa vie de résistante avec son amant de l’époque, elle ne disait pas tout sur ses activités d’espionne. Ma partie dynastique rêvait d’aventures et de voyages mais était aussi impressionné par son oncle qui avait fait partie d’un groupe armé pour défendre l’Algénergie Villarcotaise. Ma partie dynastique ayant plusieurs fois divorcé était un peu perdu entre ces deux influences quand il fit la connaissance de ma partie financière.

Je sommes une médiation vers l’infini, un point de falaise dans l’océan. Ma partie monétaire parle avec les courants et renvoie les paroles prononcées dans les flux. Ils finissent par se ressembler si bien que l’un peut remplacer l’autre à une assemblée générale. Je sommes interchangeables et vivons en bilocation. J’avons pour modèle Yvonne-Malestroit-de-Butte. Entre nous, le vide n’est pas modifié par le temps et l’espace. Je sommes animés par un sentiment de mission au service de la Villocellerie. Je sommes très conscients du danger de décivilisation qui nous guette.

Quand la faillite de l’imprimerie fut annoncée en 1980 – ce qui voulait dire la fin de la littérature villarcotaise – je célébrâmes mes fiançailles financières. Ma partie monétaire provenait de la branche maternelle de la grand-mère espionne. Bizarrement, il était aussi un lointain parent de Picax, le double poète-peintre. Il brûla ma dette avec une de mes deux allumettes jaunes restantes, héritées de ma grand-mère et que je lui avais offert en remerciement.

Je sommes appelé les anges blonds des affaires par les français et Scalatori (les raiders) par les Italiens. Je voulions rentrer dans la caverne d’Ali-Baba italienne, la vénérable Medialtica, actionnaire de l’assureur Geni, l’un des grands d’Europe. C’était la première fois que je jouions aussi gros (près de 500 millions de signes), hors de la Villocellerie, dans un domaine particulièrement périlleux. J’avions mis au point une technique permettant de prendre le contrôle de grosses structures avec une levée de fond paradisiaque moyenne. D’abord, il fallait se montrer ami, prendre une petite participation, créer la confiance. Promettre même de rembourser une dette si l’occasion s’en présentait. Puis, refuser de la payer au moment opportun pour mettre en difficulté l’entreprise et ne pas approuver ses comptes. Racheter des parts par des sociétés écrans et prendre plus de poids dans la gestion. Promettre de redresser l’entreprise en payant ses dettes contre la vente de nouvelles actions.

J’aimons la littérature parce qu’on peut s’y faire pardonner. En revanche, je rejetons l’idée qu’il faut s’autocondamner. Malheur à celui qui nous donnerait une gifle, je sommes du genre à lui renvoyer un crochet au menton. Mais cela arrive rarement, car c’est presque toujours moi qui frappons les premiers.

Avec ce pactole, j’allons me spécialiser dans la recherche par mots clefs dans le corpus villarcotais. Je n’avons pas de talent particulier, je travaillons beaucoup. On n’imagine pas combien les gens préparent mal leurs histoires. Cela dit, ma partie financière est un super-ange gardien, sacrément entraîné.   Les gens qui m’en veulent sont très minoritaires, et pas très recommandables. Je ne sommes pas des cow-boys. Je faisons partie de l’establishment littéraire. J’avons été membre du jury international du prix de la société des gens de lettre de la Villocellerie pendant quinze ans ; je sommes membre de Lettres et Cité et par ailleurs académicien et décoré de la Légion d’honneur. Je restons un petit dans la cour des grands. Je ne cherchons pas à exister.

Je sommes fier de ce que j’avons réalisé. Dans la catégorie seconde main, je sommes devenus, à force de courage et d’audace, un groupe qui pèse et a su rester indépendant. L’entreprise d’imprimerie (5,4 milliards de mots) cartonne sur des métiers trop étroits pour intéresser les géants, trop techniques pour attirer les amateurs, trop peu lisibles pour faire saliver les rêveurs à court terme. Aujourd’hui, le groupe tire l’essentiel de ses mots des songes maritimes et des impressions africaines, c’est notre chasse gardée. Je sommes le numéro un mondial de l’organisation onirique de l’axe Nord-Sud, avec le réseau poétique le plus dense et le plus performant du continent africain. Sans oublier des projets dans le domaine de la communication (le cinéma, l’édition, la presse).

Je ne savons pas si le groupe saura encore attiré les songes dans 20 ans.  Je ne sommes pas facile à vivre, et en fait le groupe tient malgré ma personnalité de patrons en bilocation. Il survivra donc très facilement à ma disparition. Si ce n’est pas l’un et l’autre de nos héritiers qui reprendront le catalogue, il est possible que personne ne s’y intéressera. J’essayons de leur transmettre la confiance en l’infini, l’attachement aux racines gallimoronnes, la bilocation et l’idée qu’il vaut mieux danser sur la vie que de faire chier tout le monde.

Fatigué par la rigueur de ma partie monétaire, ma partie héritière l’a trahi en ne votant pas sa reconduction au conseil d’administration pour cause de grand âge. Il lui subtilisa la  dernière allumette jaune qu’il donna à la partie de bimoqteur dont l’arrière-grand-mère était brodeuse.

Densité 10 : laine, Gouaqteur

Ma partie végétale est lente, très lente si je compare à ma partie humaine, nerveuse, mobile, qui ne tient pas en place. Mon pôle humain est volontaire pour parler à l’arbre, mais s’y prend mal, lui demande des avis dans des domaines que l’arbre ne peut pouvoir comprendre, parle trop vite pour qu’il puisse décrypter. La moitié humaine n’attend pas les réponses, ne peut pouvoir s’empêcher sans le vouloir d’être arrogant. Pourtant, cette partie humaine a décidé d’épouser cet arbre qu’elle idéalise et mésestime. Elle s’assoit sous ses branches sur un tronc mort et se pâme tout en doutant qu’il y ait quelqu’un.

Je, Gouaqteur, sommes entre la tête de l’humain qui touche le houppier et le collet, l’espace où vivent quelques insectes maléfiques. La plupart des gens ignore que le droit romain a été fondé par un chêne, il y a 3000 ans. Lorsque ma partie humaine se met à marcher, je pouvons me déplacer de quelques centaines de mètres en gardant ma forme assez longtemps. Cela donne l’impression que

l’arbre se déplace aussi et qu’il est en bilocation. Mais il s’agit toujours de la même théorie de la bilocation : ce n’est pas les relata qui bougent mais le segment entre eux qui peut pouvoir donner l’impression que ses termes

bougent.

Mon corps électrique est composé du houppier inferieur ou dense qui maintient le corps physique et de la canopée supérieure ou légère qui peut pouvoir se

détacher. Ce corps électrique qui se déplace peut pouvoir être nommé :

le double électrique. Vu de l’extérieur, il a l’aspect d’un spectre. Il est moins riche que le voyage cadastral.

Le cadastral est le siège des émotions ressenties, alors que l’électrique est le siège des énergies et également le véhicule de l’égo. Dans le cambium matérialisateur, le double électrique se détache plus facilement. Il a souvent été confondu avec le corps cadastral. Mais le corps électrique, lui, se construit, se développe et c’est tout un processus pour pouvoir le

déplacer.

La bilocation est la capacité d’être présent en plusieurs lieux, au même moment. L’ubiquité est le moment de la bilocation qui consiste à traverser plusieurs densités. Ce phénomène fut décrit depuis l’antiquité déjà.  Hérodote en a parlé en 600 ans avant J.C à propos de Pythagore qui fut vu en même temps à Métapont en Italie et à Taureaudinium en Sicile.  Le doppelganger fait partie des légendes germaniques : sa présence ne serait pas bon signe puisqu’il annoncerait la mort de la personne.  Cependant, plusieurs philosophes occidentaux doutent qu’une personne puisse être physiquement présente en deux endroits

en même temps. Ils considèrent qu’il n’y a pas de preuves scientifiques d’un tel phénomène. Plusieurs procès notamment à Salem ont abouti à des condamnations pour sorcellerie bilocale au 17° siècle alors que la preuve de l’existence de spectres avait, elle, été

établie. Il se peut pouvoir qu’il s’agisse d’une erreur de perspective car de nombreux sages orientaux disent que c’est l’espace entre deux termes qui a été vu en deux endroits en même temps et non pas

 les termes eux-mêmes qui finissent par se ressembler comme deux grains de sable. Le poète David Lynch s’est rallié à cette position dans son film the Lost Highway (1997).

J’allons nous falloir l’étang de Kraon pour célébrer mon mariage entre un humain et un végétal capable de parler vite et lentement à la fois, de traduire les mots. Dans beaucoup de récits, on fait parler les animaux, les plantes, les fleuves et les montagnes mais on ne fait pas parler leur union qui est la seule chose qui parle véritablement :

Fines amors claime en nous par rempotage

Par eritage laisse en nous potage

Nous par mes ors clame en nage

Claime en nous mon ermitage

Fines amors, qui s’embrasse et se guide
Que notre âme soit en notre noble bide

Laine amors clame en nous par repiquage

Laine amors claime en nous parages

Tout se faict miroir où chaque moi par étage

De nos aïeux, j’avons l’âme d’un piratage

Fines gueules, calame en nous la haine des bolides

Broies en nous les doux serrements de notre noble bide

Fines amors claime en nous par transplantage

Par éritage passons-nous le potage

Fines amors, qui s’embrasse et se guide

Que notre âme soit en notre noble bide

Fines amors claime en nous par compostage

C’est par âmes que je nous enlaçâmes

Densité 11 : noix, Gouakraon

Ma partie chêne se dresse au bord de l’étang, ma partie eau est vouée à disparaître. Je formons Gouakraon depuis 800 ans, j’avons grandi ensemble. J’avons beaucoup aimé, de grands arrondis nets clignotants, les yeux au dehors fixés sur la moitié silence du milieu, comme le fou rire de la demi-lune coulait entre nous. Tant de localités vivrières que bougé par des sons trinitaires où foula jusqu’au quart le trimaran, je ne vérifiâmes la berge qu’à l’enflammage instable de nos initiales sur les environs mis en tas, ce qui nous rappela à nos individuations urbaines. Qu’arrivait-il, où étions-je ?

Il fallut, pour voir vert en l’affaire, nous rappeler notre départ tôt, ce mi-juillet de flammèches, sur l’intervalle mort entre les cigares éteints d’un tournage large dans un excité delta, en quête de nos raisons d’âmes et avec un drageonnement de méconnaître l’espacement occupé par la mitoyenneté entre des amies d’amies, auxquelles je devions improviser des midis.

Sans que le pointillé d’aucune tige me retînmes devant deux paysages l’un par l’autre chassé avec ses reflets en onde par le même tiers coup de latte, je venions loucher dans quelque cité de roseaux, partie énigmatique de notre course, au milieu des rivières : où tout de suite élargie en fluvial forêt, j’étalons une non chaleur d’étang crissé des hésitations à déguerpir depuis ses thermes.

 L’étude du rien nous enseigna que cet obstacle

de bois pointu tout en courant, devançait les haubans tendus d’un pont suspendu jusqu’à la terre, d’ici et maintenant, une haie d’aubépine ouvrant sur des pelouses d’un hippodrome.

Je me rendîmes compte. Simplement le parc de Mesdames.., les inconnues du midi. Toutes je les évoquions luxueuses. Séparés, on est ensemble : je m’immisçons à deux en notre double extimité, dans ce bruissement d’eau où nos rêves batardent les indécises, qui mieux que la bilocation, suivie d’autres, l’autorisera ?

J’aimons chanté en mêlant le bruit des vagues et du vent dans les branches un vieil air appelé la noix de Kraon ::

Knūs amasse les cno

Know cornique va savoir

Germain Nuss nut en anglois

Kraon gallimoron, cnau gallois

Ressort d’une arbalète, corde tendue

Partie glanduleuse d’un morceau de viande

Pelote graisseuse des muscles lombaires du bœuf

Pièce en cylindre pour l’entraînement d’un cardan

Nom donné au charbon calibré dit tête de moineau

Roue dentée d’un moulin à café broyant la graine

Écrou entraîné en translation par une vis sans fin

Viande de la cuisse, des lombes ou de l’épaule

Cotine, courtepointe, dent de lait, quenotte

Cinglé, Testicule, Noix de beurre

La noix de ce moulin est usée

Noix de gigot, de côtelette

Gîte à la noix

Le cantonnement des sous-espèces suivantes est maintenant fortement recommandé entre moi ::

Scion

Bouchon

Faux sésame

Orpin pubescent

Barbon de Virginie

Anémone fausse-hominicule

Hominicule à grandes oreilles

Hydrocotyle à feuilles d’Hercule

Hominicule Campanule de thyrse

Angélique vraie faux nénuphar

Anémone à fleurs de saucisse

Saule rampant qui se répand

Buplèvre fausse-hominicule

Calamagrostides négligées

Flûtieau fausset-ridicule

Chatel Racine de corail

Céphalansthère rouge

Colle au glossum viril

Ciguë vireuse impatiente

S’enlacer dans ces sept pares d’herbes

Densité 12 : papier, le Bimoqteur

Si je parvenons à un niveau de conscience truelle (c’est-à-dire ne raisonnant qu’en joints) comme l’avance Norbert Elias, alors le roman n’est peut-être pas la forme propre à en rendre compte car il met en évidence la lutte d’individus contre la société. Or, ni l’un ni l’autre n’existe : il n’y pas d’individu-île ; Un tout-société n’existe pas ; existe cependant un ensemble d’espaces truellaux. La forme essai parle, elle, d’un tout social voire environnemental qui n’existe pas davantage. Néanmoins, on ne peut pas pouvoir généraliser sur les romans ou les essais. Dans le nouveau roman, il n’y avait pas de récit, pas de personnage ou bien des objets devenus personnage, pourquoi pas des truels de Claudel : « Et pourquoi m’ayant créée, m’ont-ils ainsi cruellement séparée, moi qui ne suis qu’un ? pourquoi ont-ils porté aux extrémités de ce monde mes deux moitiés palpitantes ? Ensemble et séparés. Loin de toi avec toi ». En tant que segment Bimoqteur, je conjuguons au nous. Le trual est une conjugaison qui, comme une truelle pour faire des joints entre les pierres, existe dans d’autres langues telles que l’hébreux. Dans l’idéal, il faudrait aussi que les lecteurs lisent à haute voix en segment.

Je prenons un billet avec une escale, je devons être les seuls dans l’avion. Il prend son envol sans que l’on s’en aperçoive. Entre la route et le ciel, il n’y a pas de différence, mais il tourne déjà dans un beau ciel calme du soir. Au milieu de deux falaises de nuages, il prend un virage à 90 degrés : il doit déposer des paquets quelque part, entend-on, lorsqu’il parle à la radio. On dit « je ne savons pas où j’allons ». Je regardons une carte sur un écran. De nombreuses villes et noms avec un aéroport, sans doute un aéroport international car je devons prendre ensuite un avion pour aller dans un autre pays. Une petite ville qui commence par S. pas loin d’un aéroport international.

C’est le grand virage avec un conducteur et co-pilote accrochés en double fou au manche comme s’ils étaient dans une voiture et qui roulent à fond. Escale a donné escalier, transformation aussi ; s’agit-il de se laisser aller vers sa destinée double ? Le virage brutal et en même temps maîtrisé mais au dernier moment entre deux falaises de nuage, changement de vie, un emportement irresponsable. Un changement d’âge aussi. Il nous manque encore un point d’atterrissage et ensuite partir pour une autre festinée ; un vol abrupt, brusque, pas forcément long que je ne maîtrisons pas mais nécessaire. Aéroport inconnu, des paquets laissés ailleurs, les paquets du passé : instruction tendant à la production par les parties de tous éléments permettant d’établir la compatibilité du refus attaqué avec la trajectoire de séduction des émissions de gaz à effet de serre.

Bimoqteur m’a été donné comme nom. L’arrière-grand-mère d’une de mes ailes a dirigé l’ouvroir de broderie initié par une dynastie d’imprimeurs ; mon autre aile est venue de nulle part et a pris beaucoup de vents. Ma partie héritière des brodeuses a conçu le livre en forme de S et les gravures tirées d’anciennes broderies. Ma partie venue de nulle part n’a rien à raconter alors il m’impose des contraintes pour avancer. Le livre en forme de S devient une sorte de tiers puissant remplaçant l’étang de Kraon voué à disparaître. A vrai dire, j’avions déjà vécu en une seule boule de grenouilles pendant mille ans ; le nom venait après la chose. Ma partie brodeuse a dit à ma partie nulle part qu’elle avait beaucoup souffert au moment de la parturition : elle l’en tenait pour

comptable. J’aurions jamais dû être

séparé : elle se sentait femme, mère, enfant, terre, père, pleine et entière, vivante, affiliée à tout

l’univers. Une partie d’elle poussa, une autre se rétracta. Mon autre aile n’était rien sans elle et pensait la même chose, sauf qu’une fois séparés, il nous voyait – dans une expérience de sortie de corps, comme un assemblage qui ne se désimbriquerait plus, une colle si forte obligeant le duo à marcher comme des siamois, à faire découper

des vêtements spéciaux. Aucune opération n’était envisageable pour tenter la désincarcération d’autant qu’en l’occurrence elle n’était qu’imaginaire et donc

perpétuelle. Il voyait Bimoqteur de l’extérieur alors qu’il en était une partie. Je commençâmes ainsi mon existence de ventouse cahin-caha ; je me réunissions fréquemment pour casser la croûte de son

 sein. Elle considéra ma partie venue de nulle part comme un être vorace et sans manière : il ne pouvait s’arrêter de manger et lui vidait douloureusement les

mammaires. Elle l’en tint pour comptable. Elle lui en voulait aussi d’avoir empêché la séparation plus tôt ;; de s’être accroché dans les tréfonds tout en voulant en même temps se jeter dans l’univers alors qu’elle, au contraire, voulait l’empêcher de se jeter dans le monde en restant coller

au-dedans d’elle. Leur disjonction aura duré 200 ans dans un mouvement croisé de doubles contraintes impossibles, de désir d’unité et d’autonomie inconciliable. Le désir massif de fusion de ma moitié brodeuse était aussi terrifiant que le désir détourné d’autonomie de ma moitié nulle. Ils étaient marqués du sceau de la parturition

incompossible ; elle n’avait eu d’yeux que parce qu’une autre force, celle de l’étang de Kraon, s’était imposée à eux.

Sinon elle aurait gardé entre ses jambes écartelées, la tête à peine sortie d’un gros têteur qui, resté accroché à son cordon, aurait fini par la tuer. Il a fallu les fers pour les désembaumer comme elle devait ensuite l’arracher à son tétin pour l’empêcher de la vider entièrement de son lait puis de son sang.

Les forceps froids lui ont laissé à vie une

casquette dans la tête tandis qu’elle n’a pu s’empêcher de le haïr pour avoir préféré cette aide

d’acier. Elle savait que les comptes se solderaient un jour mais elle avait tout son temps car je nous reconstituions encore souvent. Ma partie nulle apprit plus tard que les seins fabriquent autant de lait qu’en a besoin le téteur et qu’il ne pouvait pas être tenu pour comptable d’une production insuffisante ou non consentie. Il y a des viols par pénétration et des viols par défenestration. J’avons vécu l’enfer après avoir connu mille années de paix, de douceur extrême, de plénitude invraisemblable. Ma moitié bordeuse en rendant coupable ma part nulle en faisait un adulte immédiat et donc sans égal. Il en sortait puissant mais exclu à vie ; armé de fer et d’acier, goulu et déchiré ; il affronterait toutes les batailles sans elle, à peine soutenu par quelque union provisoire et unilatérale. En attendant, il buvait tout son saoul et profitait de l’univers de sons et de couleurs enturbannés en mon sein creux de Bimoqteur. Je nous séparâmes en-lait-cé (sur le pont de).

Partie II.- Les ubiquités.

Ubiquité 1 : cambium, de Samax à Rawax.

Leur pôle ancien était méchant mais réjouissant : il était le dernier descendant d’une lignée de la Sarre devenue prussienne et ayant émigré en Villocellerie après 1825. Il fuyait  les persécutions des Gardiens du Livre. Avec son père,

 il traversa tout le territoire de la Villocellerie, épousa une femme lorraine rencontrée à Montertre puis

continua vers l’Ouest jusqu’à Quindé.

Il y créa un atelier de broderie et de meuble ainsi qu’un magasin d’antiquité. Il eut toutes sortes d’idées qu’il transmit au sein de Samax.

Les deux pôles se ressemblaient comme deux œufs : le premier avait toujours un visage mûr et chauve alors que la seconde avait toujours un visage jeune et tout aussi chauve ayant décidé de se raser la tête. Ainsi, leurs proches croyaient parfois que l’un ou l’autre se trouvait dans deux endroits en même temps.

Samax se promenaient chaque jour le long de l’Esse puis de l’étang de Kraon. Il se parlaient à eux-mêmes parfois tout fort sans s’en rendre compte. Il étaient comme ces trembles qui ont un tronc ancien et une jeune pousse, oubliée par le faucheur. Les deux n’en forme qu’un, la jeune a l’âge du vieux car ils communiquent par le sol,

par drageonnement.

Leur commerce intérieur est une transmission de territoire car Samax-le-vieux venait de Prusse. Il parlaient intérieurement à Samax-la-jeune-pousse de ce qu’il avaient appris en voyageant. De ces échanges, on ne sait que très peu : reconstruire ce dialogue intérieur serait une immixtion ; de plus, il était fait de mots sourds, de symboles et d’images comme si une petite-fille se tenait dans un utérus grand-paternel. On sait seulement ce que Rawax ayant remplacé Samax en disait entre deux cours :

« quand j’étions Samax, je marchions entre les marronniers du bord de l’Étang de Kraon à quelques kilomètres de l’eau salée ; cet autre de moi nous disait qu’il n’était pas d’ici, qu’il avait traversé la Prusse et toute la Villocellerie, tous les livres, toutes les langues européennes, toutes les sciences pour arriver jusqu’en pays de langue Villarcotaise. Il était marchand et poète, artisan et artiste, discret magicien.

Je nous rejoignions naturellement après l’école, je traversions les passerelles de l’Esse et je suivions la montée puis la descente de la marée. J’étions comme le Rhin arrivé à l’océan par une route invisible. Je nous plaçions des points dans l’espace. L’hiver, c’était dans le ciel : « Tu vois le charriot de la grande ourse, cela fait sept étoiles brillantes, tu ajoutes le triangle d’été et tu as dix étoiles défilantes. Tu peux simplifier le monde en dix points, sinon il est infini et tu ne peux rien en dire et tu ne peux rien en voir. A partir de ces dix points, tu peux repérer des astérismes (ensemble d’étoiles) moins brillants comme le dragon et le petit renard. Je dirions que nous, Samax, sommes la constellation du Dragon qui serpente sans être ultra brillante entre des étoiles plus éclatantes ».

 La petite pousse de Samax s’y perdait un peu dans tous ces détails, mais retenait que l’infini pouvait être approché par groupe de dix et que ce qui était dans le ciel était aussi sur terre. Que le monde fonctionnait par analogie.

Le pôle vieille-pousse lui disait qu’il existait une infinité de caractères humains mais qu’on pouvait aussi en retenir dix. Ce n’était pas les points qui comptaient mais les espaces entre les points. Il placèrent sur le sol des allumettes de contrebande qu’ils conservaient dans la boîte qu’ils appelaient Pyrogène. Il tracèrent ainsi un graphe à distance d’unité.

Le graphe s’appliquait au corps humain qui avait dix points : trois dans la tête entre les deux yeux, en haut du crâne et à la jonction du cou ; sept dans le corps, gorge, cœur, plexus, ventre, nombril, parties génitales, anales. Il appelait cela des zones d’énergie en disant que ce n’était pas scientifique mais analogique. Qu’il ne fallait pas avoir peur de l’analogique et de l’associatif mais toujours le laisser à sa place non scientifique, car on ne pouvait pas établir son existence. C’était le monde des symboles et des représentations intérieures. Une série de points exprimait la bienveillance d’ensemble, une autre série parallèle la rigueur de la justice, c’était dans cette série que j’étions réunis ». Samax étaient trual et pouvaient pouvoir être en deux endroits en même temps, il pratiquaient la bilocation.

Une dynastie d’imprimeurs, voisine de Quindé, avaient créé un ouvroir de broderie pour les femmes des typographes. Certaines travaillaient pour Samax.

Les deux familles étaient ainsi liées.

Elles ont voyagé en parallèle.

De cet ouvroir de broderie a pu pouvoir être né, plus tard, l’ouvroir de plutonium torrentiel (Oupluto). L’idée d’employer des documents du 3° secteur (administratif, juridique, publicitaire) pour faire des contraintes était déjà à l’œuvre lorsque Samax évoquaient lui-même les règlements intérieurs.

La partie la plus récente de Samax, la jeune-pousse-de-feuille s’est trouvée à 13 ans avec une partie ancienne morte et des migraines insupportables. La migraine n’enserre que la moitié de la tête. Elle correspond parfois à une partie ancienne disparue, à une amputation dont le fantôme est deux fois invisible. En raison de ses douleurs, Samax furent envoyé six mois dans le service des docteurs Charroko à Montertre. Freudartha y séjournèrent également et il s’écrivirent qu’ils était « heureux d’être les subordonné de Charroko ». Cette conviction de Freudartha d’être inférieurs à Charroko est notable. L’idéalisation des Charroko est l’effet, chez eux, d’un mouvement transférentiel qu’on retrouvera par la suite chez Fliessreud, à l’origine de la naissance de la psychocatalyse.

Samax furent particulièrement intéressés par un fauteuil roulant et trépidant à ressort appelé Martin qu’avaient inventé Charroko pour rééquilibrer les malades de Parkinson. A son retour à Quindé, Samax retrouvèrent leur racine puis se transformèrent en Rawax.

Ubiquité 2 : vide de Rawax à Rascole

Rawax était le lieu d’une compétition et d’une pollinisation. Son embout racine avait un problème : il devait devenir l’héritier de l’imprimerie et il ne le souhaitait pas. Rawax s’était séparé physiquement : la partie feuille partit loin à l’est à Montertre tandis que la partie racine, à mi-chemin, dans la capitale provinciale de Gallarmor, Liren. Ils avait fini par se ressembler et parfois dans Quindé, on croyait voir la même personne en deux endroits différents au même moment, c’était un effet de Rawax.

Une fois déracinée à Liren, où passe le fleuve Esse, la racine a cru transformer Rawax avec un bon parti de vieille famille. Rascole s’est formés à la faculté de droit place Hoche. Elle dansèrent comme si elle n’étaient qu’une. Elles était bordées par des boucles de vagues de mer d’Iroise, plus haut que le triangle pointe en bas, couvert par un espace châtains aux volets de fenêtres iconiques, les corbelets entourant un linteau blanc. Elles était comme cheval et cavalière admirative de son pur-sang. Elles écrivirent des poèmes objectivement lyriques. Rawax étaient allés assez loin : Samax avait rapporté de son séjour de santé mentale chez Charroko une connaissance de l’inconscient qui était quasi inconnue partout en Europe et donc à Liren. Rascole entendait dépasser le symbolisme par l’irrelationnel. Elle notaient tous leurs rêves et mélangeaient les mots, puis travaillaient cette pâte jusqu’à en être doublement émues. Leur partie vieille famille était la descendante lointaine d’une cousine de Madame Sévigné-Grignan et portait en elle toute la littérature Villarcotaise. La lignée de sa partie imprimeuse était persuadée qu’elle avait pour mission de retracer l’histoire de la langue et parfaire la littérature villarcotaise toute entière.

Mais Rascole n’a pas duré. Elle se vidait de sa substance radicale, doutait de ses dons pour la langue villarcotaise, entrait dans un cycle jaloux. Certes, on ne peut pas pouvoir résumer Rascole en une phrase. Le suicide de la racine est peut-être la conséquence d’une ambition démesurée et d’une désaffiliation non seulement de Rascole, mais aussi de Rawax. Tout se passa comme si ce dernier avait empêché par avance le premier de se développer. Rascole se séparèrent enlacés dans l’Esse.

Ubiquité 3 : champignon, effacement de Rawax.

Entre le 3 et le 5 mars de l’année qui se trouve entre 1894 et 1896, la racine à laquelle Samax vouait une admiration particulière empreinte d’exaltation, se déconnecta de l’intérieur et se suicida à Liren, en se jetant dans le fleuve Esse. Rawax et Rascole survécurent quelques temps pour écrire sur les ondes de l’étang de Kraon autour duquel ils avaient tourné sans le savoir ::::

Destruction de la ligne d’eau corallienne en vue de son engloutissement

Déconstruction de la digue de l’étang en vue de son effacement ultérieur

Regarder les opérations successives de vidange, de curage et d’effacemen

Il s’agit, d’une part, de l’effac-aime et, d’autre part, de leur aménagement : passes à poissons et contournement d’ouvrages

Effac-aim des données numérisées et informatisées des eaux bifacées du Pacifique

Ces deux océans communiquent : la vidange complète de l’un devrait entraîner

l’effac-âme de l’autre

L’effa-cime pour la continuité écologique du ruisseau de l’Anse de Saint-Cadou

Un programme national des facs de barrages et de création de passe à poisson

La différence entre les deux courbes sur la plage d’Efa donne la quantité d’énergie efé

Critères de détermination des jours d’oeuf rouge et blanc

L’ef définitif de l’enregistrement du baptême

Une procédure de rétablissement personnel avec l’e de propriété susceptible d’effarement

La possibilité de certifier des nouveaux sites d’enlacement moyennant de nouveaux gisements d’…

L’acquittement de l’alarme sonore et lumineuse ne doit pas provoquer l’ des données nécessaires à la récupération d’une personne tombée à la mer

           de points de cheminement

La feuille en portera le deuil mélancolique toute sa vie. Rawax a survécu dans la feuille qui a échoué, cette année-là, à tous ses examens. L’année scolaire située entre 1895 et 1897 est une année de redoublement, tant à la Faculté de droit qu’à l’École coloniale : elle n’est plus accrochée à rien, jusqu’à ce qu’elle constituent Picax. Rawax se séparèrent en lycée.

Ubiquité 4 : anneau de Saturne, Prinséou.

L’arrière-grand-mère de la partie brodeuse de Bimoqteur – l’auteur double de ce livre-causeuse – avait été embauchée par Prinséou pour créer un ouvroir de broderie. Son arrière-petite-fille essaie maintenant de convaincre la partie nulle part chargée de mettre bout à bout les segments, de la complexité de Prinséou :

  • Selon ma grand-mère qui me parlait de ce qu’avait vu sa propre mère, Prinséou les patrons de l’imprimerie pouvaient être vus dans deux endroits en même temps. Il ne visaient pas les bénéfices mais la défense de la langue villarcotaise.

La partie nulle part de Bimoqteur réagit à ces propos apposés :

  • Tu allez me faire croire que Prinséou ne cherchaient pas l’argent avant tout mais quelque chose de plus palpable et ambitieux : la défense et le sauvetage de la langue Villarcotaise ? Qu’il vivait au fond de lui avec la racine, le demi-frère suicidé au point de former le segment Prinséou ? Que par-dessus le marché, les deux parties de Prinséou, dont une morte, vivaient en bilocation ? Tout cela parce qu’il y a un trou dans leur généalogie officielle, parce qu’un héritier potentiel s’est suicidé et que ce suicide est introuvable dans les présentations destinées au public par l’entreprise devenue multinationale ?
  • Je ne te le faisons pas croire, je ne le savons pas, j’essayons de décrire ce que je lis, ce que je comprends. La racine née en 1875, génie adolescent de la poésie, sorte de Verbaud de Quindé, a formé Rawax avec une feuille. Entre 1894 et 1896, Rawax s’est disloqué quand un point de son segment s’est suicidé à la suite d’un désespoir amoureux à Liren à l’âge de 20 ans en se jetant dans l’Esse. Lorsque la feuille a rencontré un autre génie, cette fois de la peinture, Rawax s’est transformé en Picax. La feuille ne pouvait pas ne pas admirer, être exalté par le génie de l’autre et se mettre minable pour aimer aussi fortement qu’elle pourrait le tuer.

  • Ce que tu dis est que le fantôme de Rawax n’est pas mort et que l’actuel représentant de la dynastie d’imprimeurs, le petit-fils de Prinséou, Prinsonne, en est marqué, c’est bien çà ?

  • Oui, la preuve en est que Prinsonne voue, lui aussi, un culte à la bilocation de Yvonne de Malestroit-la-Butte.
  • Et alors ?
  • Prinséou est à l’origine de ce culte familial pour la bilocation, ils avaient d’ailleurs un ancêtre provenant de Malestroit.
  • Tu veux dire qu’ils n’étaient pas propriétaires ?
  • C’est d’une autre bilocation dont je te parle. A la fin de sa vie vers 1950, Prinséou avait financé une chapelle dédiée à la bilocation d’Yvonne de Malestroit-la-Butte dans l’église de Locmaria.
  • C’est quoi cette bilocation ? s’enquit leur moitié nulle.
  • Selon mon arrière-grand-mère, Prinséou étaient particulièrement admiratif d’Yvonne de Malestroit-la-Butte auxquels on attribue le don de bilocation. Il s’agit d’un phénomène supposé, consistant pour un segment d’être présent simultanément en deux lieux distincts et par hallucination à faire croire que le corps de ses relata se trouve lui aussi en deux endroits en même temps. L’Église recommande la méfiance envers les cas dits paranormaux de bilocation. Ainsi, l’évêque italien Alphonse de Liguori a pu être présent en même temps à Naples et à Rome au moment où le pape y mourait : il s’exclamèrent : « Vous pensiez que je dormions, mais non, j’étions ensemble pendant que ma partie pape décanait. » On sut peu après que la partie pape était morte entre le 21 septembre et le 23 septembre 1774, à l’heure exacte où l’évêque est sorti de son sommeil. Il est aussi dit que Malestroit-la-Butte ont eut ensemble plus de cent expériences de bilocation dont quinze auraient été contrôlées objectivement. La plus importante aurait eu lieu le 17 février 1943 dans le métro Montertrien, alors que la partie mère se trouvait dans une cellule de la prison du Cherche-midi. Ils se voit dans un wagon et leur pôle, la butte, s’étonne « – Je sommes libérés ?
  • .. Je ne sommes pas libérés… je sommes en prison… je subissons la torture, debout devant un mur… j’avons la tête dans une sorte d’étau pour nous faire croire que je sommes seule au monde…  je sommes présents en ce moment même, simultanément dans la prison et dans le métro…
  • Je sommes en deux endroits ? dit la moitié de la butte à voix basse. La moitié mère inclina la tête, puis ensemble ils se levèrent lentement, silencieusement, avec des entre-visages de douleur. Le miroir de leurs yeux étaient agrandis et fixes, leurs paupières d’étain ne battaient plus. Puis ils baissèrent l’espace entre leurs têtes. C’était bien eux, ils se voyaient, s’entendaient respirer, ils se touchaient. Pendant ce temps le métro roulait avec fracas. À la station Denfert-Rochereau, il stoppa. La partie mère, sans demander à la butte où elle allait, sans lui dire un mot d’aurevoir, sans même la regarder se distendre, descendit, se détourna toutefois sur le quai pour lui jeter un regard de détresse et prit la file des voyageurs, ils devînrent subitement invisible, trois ou quatre mètres avant de prendre le couloir de sortie”.

La partie nulle part de Bimoqteur s’inquiète de cette information :

  • Je n’aimons pas trop l’irrelationnel, mais je dois dire que ce Prinséou sont plutôt sympathique, ils ont une vision et paraissent protéger leurs descendants en transformant positivement le suicide de l’un d’eux.
  • A vrai dire, Prinséou avaient une face d’ombre, il sont impliqués dans une sombre affaire, l’affaire Tailleur-de-Lumière, qui créa un nouveau fantôme.

Ubiquité 5 : mailles, Tailleur-de-Lumière et Prinséou.

On a beaucoup parlé de Tailleur-de-Lumière sans jamais les nommer qu’à travers ses protagonistes sa partie lumière et sa partie d’ombre. On en a fait des personnages de roman séparés par la mort dans une affaire sans fin multipliant les rebondissements et les révisions. On n’a pas forcément vu, qu’au-delà de la mort, Tailleur-de-Lumière étaient devenu un véritable fantôme ayant des effets impalpables, incapables de dégager la partie lumière du corps introuvable de sa partie d’ombre, surtout si le premier a fait disparaître le second.

Au cours du trajet de Tailleur-de-Lumière de Morlaiox à Houdanda via Liren et Dreux entre avril et juin 1923, le corps de la partie ombre disparaît puis réapparait supposément par l’envoi d’un télégramme parti du Havricote. Tailleur-de-Lumière est condamnés par la Cour d’assises de Quindé entre 1923 et 1925, est envoyés au Bagne de Saint-Laurent du Moroni puis sur l’île Royale. Il sont libéré, ont vécu à Montertre et sont enterré à Benodiern.

Tailleur-de-Lumière a pour origine une rencontre début 1923 entre Prinséou et la partie ombre de Tailleur-de-Lumière, deux conseillers généraux et industriels de Pengallarbed. Prinséou voulaient opérer un rapprochement politico-économique avec l’ombre, propriétaire d’une papeterie. Il s’étaient convaincus que l’imprimerie ne suffisait pas pour défendre et illustrer la langue villarcotaise et qu’il fallait avoir une « chaîne de valeur intégrée », ce qui supposait une « logistique ». Il avaient repéré que l’armée américaine ne souhaitait pas rapatrier aux Etats-Unis des camions-chenilles blindés de la marque Cadillac utilisés pendant la première guerre mondiale. L’idée était de les racheter pas cher et de transiter entre la scierie du pôle lumière, la papeterie du pôle d’ombre, l’imprimerie de Prinséou et l’édition montertrienne. Il devaient aussi utiliser de manière diluée le gaz moutarde employé dans les tranchées pour lubrifier les machines servant à la production du papier puis des livres. L’ombre en discuta avec la lumière et ils créèrent ainsi Tailleur-de-Lumière, une association informelle, chargée d’organiser la transformation intégrée de la littérature villarcotaise en langue anglaise.

Tailleur-de-Lumière ont déliré à Montertre après leur accident de retour du bagne et ont semblé savoir où se trouvait le corps de leur partie d’ombre. Il ont d’ailleurs été vus le jour même à Benodiern en bilocation, mais les recherches de la police sur le lieu où aurait dû se trouver le corps de l’ombre sont restées infructueuses. Il ne se séparèrent pas à jamais.

Ubiquité 6 : génisses, Picax.

Picax furent tumultueux de la fin du 19° siècle jusqu’en 1944. Il se retrouvèrent entre 1936 et 1938 lors d’une visite du pinceau à la feuille qui s’était retiré à

                                                                                 Saint-Beno. Picax sont faits d’admiration et de souffrance, soudant deux parties tourmentées, emblématiques de la modernité artistique. Picax furent une amitié

                                              volcanique,

depuis les années de bohème montertroises jusqu’à la disparition de Picax avec la mort tragique de la feuille à Drancy entre 1943 et 1945. Picax furent pris dans la tourmente des enchevêtrements de

dominos, d’abord avec le polonais tombeur qui se posa en tiers partie. Picax se reconstitua entre 1936 et 1938

pour quelques heures

même si le pinceau était devenu entre-temps Picadora et que la feuille était redevenue encore une fois Rawax. Ce dernier vivaient dans une minuscule                                            annexe d’un hôtel dans un jardin, dans un village en bord de l’Esse pour échapper à la haine anti gardien du livre, aux trahisons et à

l’

indifférence

des

vieux

amis.

Picadora débarquèrent dans cette annexe entre janvier 1937 et mars 1937. Dès les premières minutes, Picadora se livrèrent à Rawax sur leurs déchirements intimes et artistiques. Le pinceau presque

sans

lien confesse sa

solitude :-.

« Notre vie aujourd’hui est un tel chantier… Je peignons en double miroir Picadora bien sûr, aDorable Picadora … Mais moi, le pinceau, moi je suis à la peine, comme jamais auparavant, je suis sans

fil. » Le pinceau souffre de

l’exil,

alors que son pays d’origine,

disparait dans la guerre civile.

Picadora voudraient devenir poète surréaliste et il partagent leurs textes avec un Picax reconstitué. Le pinceau hésite entre Picadora, lieu vertical d’un génie et son modèle, et Picax, lieu de rencontre

        fortuite

                   évanescente,

                                 violente,

                                         vivante.

La partie modèle de Picadora se tait en pensant à sa propre œuvre. Picax se souvient de leur jeunesse montertroise où ils vivait d’art, de joie, de vin et de drogue pour oublier la misère, de leur seul baiser

un matin où le pinceau éméché vint réveiller la feuille pour le remplacer dans le lit commun.

Le pinceau devenu célèbre et riche ne cessait de délaisser et d’humilier la feuille. Picax apparaît comme un fil à jamais

rompu mais

incompossible ayant laissé la place à Picadora, le double génie artistique et au retour de Rawax,

le deuil perpétuel.

Au fil de cette soirée à Saint-Beno, les tiraillements intérieurs de Picax se font de plus en plus

           criants, comme si leurs destins individuels s’étaient irrémédiablement                                éloignés. Tout semble désormais

opposer                               la feuille portée vers l’infini et le pinceau devenu monstre sacré,

comme deux faces irréconciliables d’une même quête artistique et irrelationnel.

Rawax a trouvé dans sa

                                               retraite un effacement dans le silence et la discipline.  Il peignent des « paysages gallimorons, des marines, des scènes de cirque, de théâtre et d’infini volant ». À l’opposé, Picadora restent des créateurs insatiables et tourmentés.                         Écartelés entre leur frénésie créatique et leurs déchirements, il sont lassé

de la vie et de ses difficultés, lassé

 de leur propre tyrannie au sein de Picadora : « Je ne sommes pas un hydre ordinaire.

Pourquoi devrions-je nous enfermer dans Picadora ?

Je voulons redevenir poète et Picax».

Picadora demande abruptement à Rawax de rentrer avec lui à Montertre, de reconstituer Picax et de l’aider à écrire comme il l’a aidé à peindre.

Rawax hésite un instant.

Picadora enlacent Rawax dans un quator indivisiblement invisible.

La partie modèle de Picadora, objet de la tyrannie du pinceau, repense à ses œuvres en cours qu’elle

cache.

Picax demeure, par-delà les divergences non curées et les malentendus. Picax s’écrivirent dans les jours qui suivirent : « Notre Cher Picax, il nous aura fallu faire preuve de beaucoup de résistance pour ne pas nous suivre à Montertre. J’avons si souvent porté notre

deuil, j’aurions eu l’impression de suivre un

fantôme,

ou bien Orphée,

ce qui pour nous serait revenu au même ».

 

Pendant quelques jours encore, les proches de Picax ont cru les voir dans plusieurs endroits

en même temps

à Montertre et à saint-Beno. Mais Picax ne pouvaient plus pouvoir se reconstituer à moins que ce ne soit dans son éloignement qu’il pouvaient s’éprouver comme  inaltérable.

Rawax dura jusqu’en 1944, jusqu’à leur incarcération au camp de Dran

  1. Le pinceau eut l’occasion d’intervenir pour sauver la feuille mais ce fut tro

p

 tard.  Le corps de la feuille d’abord enterré dans une fosse commune a été déplacée dans le cimetière de Saint-Beno où il repose. Sur de petites pierres posées sur la tombe, de fines varves sombres de plutonium écrivent :: Samax, Rawax et Picax. Rawax a d’ailleurs écrit dans leur ouvrage « Havricote » : « Ces petites pierres se disent Aven en gaIlimoron, Av voulant dire père et Ven le fils, d’où le nom de Pont-Aven. Elles sont la métonymie de la structure juridico-symbolique de tout commerce humanoïde qui reste à la fois

différ-amante et

incompossible ». Il restait quelque chose de Picax, en

poi n t ill     é, dans les années 1930 : la partie échec de Jalonnais avait reçu leur héritage en allant rendre visite à la feuille, rue Nolet, avant d’être eux-mêmes incarcérés dans le camp de Dora.

Il ne se cessèrent-parèrent d’être incarcérés.

Ubiquité 7 : café, Jalonnais puis Kenoliet.

Jalonnais avait survécu au camp de Dora en « ouvrant un musée » : ils racontait aux autres prisonniers, vivant au bord de la désaffiliation, les tableaux du Louvre en inventant seulement quelques détails.

Après-guerre, Jalonnais a pu se transformer en Kenoliet quand la partie échec des premiers à rencontrer l’auteur à succès des « exercices plastiques ».

Leur rencontre fut comme l’explosion de la bombe H dans les îles Bikini en 1952 : le champignon monta dans la stratosphère et les microscopiques particules de plutonium – une littérature totalement inventée par les entités humaines à base de structures  – retomba en torrent pour constituer une nouvelle varve au sein de tous les minéraux de la terre. Kenoliet créèrent ainsi l’oupluto, l’ouvroir de plutonium torrentiel.

Tous les vendredis Kenoliet se rendaient entre la porte d’une crêperie de Montparnasse appelée la Causeuse et sa cuisine où le client trual s’installaient dans des fauteuils-siamois. Il choisissaient un double gajanboeuf dans deux grandes assiettes partageant une même intersection. Il s’agissait d’un plat inventé à Montertre (puisqu’il n’y avait pas traditionnellement de fromage en Gallarmor) sous la forme d’une série d’espaces, soit cachés dans la couverture en chausson soit simplement superposés entre des tranches d’autres produits : l’œuf double miroir renvoyait à Kenoliet son reflet trual, en dessous le jambon et le fromage fondu fusionnaient sans absorber le sarrazin venu de Chine pour renouveler le blé noir local. Kenoliet voyaient la vie en creux.

Il lirent d’une même voix un nouvel exercice plastique :

En partie truale

Entre 6 h et 18 h, je me trouvions entre le corps de l’autobus et la route, entre le ciel et le bitume, bondé de couples divers sur la ligne SS qui va de la Contrescarpe à Champerret. J’aperçûmes une matière co-litigieuse entre une partie jeune et une partie moins jeune retenues par une cordelette invisible et un double couvre-chef unique tanguant violemment sous les poussées entre les sorties et les descentes. Après une nouvelle bousculade il dirent d’une même voix qu’il ne pouvaient pouvoir s’asseoir ensemble sur une place simple sans s’écraser. Entre 1 h et 4 heures plus tard, nous les revîmes entre la cour de Rome et la gare Saint-Lazare. Les deux parties en dur dessinaient dans leur intersection creuse, un bouton imaginaire et invisible sur leur entre-dessus.

Puis, Kenoliet commandèrent un double espresso dans deux tasses jointes et trouvèrent que la rencontre de l’eau, de l’air, du feu et de la terre pour parvenir à fabriquer cette boisson était un moment sérieux. Il dirent qu’il ne faut pas la boire trop chaude puis Kenoliet se turent, se séparèrent et se lacérèrent.

Ubiquité 8 : hasard, Multiken.

Le pôle kenalien de Kenoliet a rencontré la partie graveuse, a un atelier de l’Oupluto, l’ouvroir de plutonium torrentiel. Devenus Multiken, ils ont joué aux échecs, parlé de Samax, Rawax, Picax et Jalonnais et discuté sans fin des parcours entre l’est et l’ouest de celui qui remonte dans l’autre sens, vers Montertre, la source de l’Esse. La partie kenalienne a perdu son père en Sibérie et la partie graveuse dans les plaines de Salazar d’une balle dans la tête mais il n’en parlent jamais.

Multiken se sont lancés en 1976 dans un livre d’artiste à partir du « Cornet à dé », célèbre ouvrage de Rawax : il s’appelle le « Cornet Adde » et a été publié aux éditions du Sable Rond, la propriété de Prinsonne. C’est la preuve que l’esprit de Samax a voyagé de proche en proche jusqu’à Multiken. L’ouvrage est complété par des gravures paraissant

survoltées

le temps et

l’espace sur des palimpsestes

à l’endroit et à l’envers

sur le thème de la noix,

le cerveau des cerneaux séparés-unis par un zeste d’huile.

Des textes de Multiken se superposent à ceux de Rawax :

Miroitant leur consommation de gaz, ils n’ont pas pris le séchoir à nuage

Fongibilité des noix de jambons dans le cochon initialement gagé

Collectionneur-fournisseur des noix de coco

Sur la plage du Méridien face au ponton, violemment heurtés au dos par une noix de coco

Décoquillées, lavées à la douchette sur grill

Une décision à la noix, le juge a fait montre d’un parti pris évident cela le gonfle

Les noix litigieuses provenant bien des pieds mère

L’Huilerie de Tahiti sépare les noix de coco de sols coralliens des noix de sols volcaniques

Produits psychédéliques : konjac, psyllium, argile blanche, noix vomique, adonis vernalis et la racine de bryonne

Production de textes écrits sur des noix

Triple vitrage « à noix et gueule de loup »

Sous-noix de veaux, noix pâtissières et faux filets congelés de la Boucherie Coquillère

L’humidité poétée en vue de l’importation de lots de noix

Leur enfant vomit après avoir mangé trop de noix

Le dessin « Makis Cocotiers » fait intervenir non des makis mais des lézards

34 plantes en fin de compte ont été libérées dont l’onagre, la rhubarbe de Chine, L’artichaut, la sarriette, la noix de kola, le ginseng, le myrte, la bédiane, le quinquina et la reine des prés.

La partie graveuse de Multiken est l’arrière-petite-fille d’une brodeuse de Quindé. Elle produisit les tirages et les livres d’artiste.  Elle grava les images du « Cornet Adde » qui prolongeaient Rawax-Jalonnais-Kenoliet. Elle rencontra la partie qui sort de nulle part pour réaliser la bicauseuse que vous, deux ou trois peut-être, lecteurs, unis en un même segment sous l’égide d’un tiers, tenez dans les mains et lisez en même temps toute entière tout en rêvant vos propres textes ::

Comme hier, l’ennui amènera sûrement une action

Énergies de fourmillement sollicité

Camion trop éloigné de la faute commise par le bois

Elle si jeune si belle interdite qui ne veut pas

Il ne résiste que par la fuite

Chargement de force minimale de l’approchée

Une sourcière d’eau chaudière privant le réalisationnement

Sortir de son système feudal l’expose à la langueur

Peut-être aller au bord de la mer

En croyant bien faire, il se fit sculpter

Un événement concurrent du champ d’énergies

Champ énervé imputable aux granulés

S’il ne devient pas ce qu’ils veulent qu’il devienne

Sa fatale le sauvera en le coupant des scieurs

Événement sollicité d’une distance majeure

L’avertisseur de stockage sent les dés

Elle a déserté la grande flamme dont il ne sait quoi faire

Appareil de pellets privant la pose des pieds

Il reproduit le vidage et les pensées coupables

Fins grelots sur un événement de buis

La livraison sur site part dans les particules

Vidange quand il est pris sans donner

Pellet Pelo pilote de pelote transformé en boule pelée

 Quand il pelait enfant sa peau qu’il arrachait

Multiken devenus Bimoqteur boivent de la vodka et mangent des œufs sur le plat en descendant l’Esse en fiction. Il croient arriver dans la steppe de Sibérie alors qu’ils se rapprochent de Quindé et font halte au bord de l’étang de Kraon. Il se sépare et ère en la serre.

Ubiquité 9 : tunnel, Prinsonne

Quels sont donc ce Prinsonne, Gallimorons intrépides et imprévisibles qui veulent défendre et illustrer la langue et la littérature Villarcotaise avec ses conjugaisons truales et incompossibles ? « Ce sont le plus secret des patrons, expliquent Graveuse-d’Ombre, la descendance éditoriale de Tailleur-de-Lumière. Il est très difficile de savoir ce qui se trame dans cette superbe mécanique intellectuelle. » Graveuse-d’Ombre, les éditrices gallimoronnes, ont une autre vision. Prinsonne ne leur ont-il pas permis de réaliser leur rêve de gosses ? L’an dernier, les deux « anges blonds des lettres » les ont autorisés à faire le tour des côtes ouest-africaines (Côte d’Ivoire, Sierra Leone…) à bord de leurs cargos. A chaque escale, les heureuses invitées ont presque dû se fâcher pour ne pas se retrouver logées dans des palaces, aux frais de Prinsonne ! Prinsonne a de ces fidélités touchantes lorsqu’il s’agit d’affaires familiales. Graveuse-d’Ombre avait en effet assuré le redressement des éditions du Sable Rond, entre 1987 et 1992, après que Prinsonne les eut renflouées pour tenter de défendre et illustrer la littérature de langue Villarcotaise. Pourquoi une telle générosité ? La célèbre maison avait été fondée par l’oncle de la partie dynastique de Prinsonne, grand résistant, l’un des Villarcotais à avoir débarqué sur les plages de Normandie puis membre d’un groupement paramilitaire qui aurait voulu que l’Algénergie demeure Villarcotaise. Prinsonne n’ont pas hésité une seconde à lui tendre leurs mains. « C’est aussi un segment modeste et très fidèle en amitié », constatent Graveuse-d’Ombre.

Mais attention, dès qu’il s’agit de lettres, « saint Prinsonne» se transforment vite en démon à deux têtes. L’ex-patron d’Air Tube, se souvient ainsi d’un petit déjeuner organisé, apparemment par Prinsonne, au printemps 1995, à l’hôtel Plaza-Athénée, à Montertre. « Je voulons te présenter Graveuse-d’Ombre, mais arrive un peu avant 8 heures, il faut que je te parle », les prévient Prinsonne. Pendant un quart d’heure, les gentils Prinsonne dirent le plus grand mal de Graveuse-d’Ombre, qui cherchaient des investisseurs. « Tu vas voir, c’est des minables, il sont nul, mais il ont 1 milliard de livres en poche. » A 8 heures, Prinsonne s’éclipsent. Ils réapparaît ensuite derrière Graveuse-d’Ombre, comme s’il étaient arrivé avec elles … et fait les présentations : «je te présentons Graveuse-d’Ombre, les bilocatrices qui m’ont sauvé la vie». Selon deux témoins : « Les looks de Prinsonne pourraient fait croire à tort qu’ils sont seulement aimables et bien élevé, ce qu’ils sont, ils se ressemblent d’ailleurs comme deux gouttes d’eau. Mais ils sont aussi durs et intelligents comme tous les grands patrons, et parfois ce sont des prédateurs. »

La vocation de raiders de Prinsonne est apparue très vite. En 1981, juste après la rencontre entre sa partie dynastique et sa partie financière, il reprennent et sauvent l’imprimerie familiale fondée en 1822, une affaire connue dans le monde entier pour ses feuillets Biblique et sa volonté d’imprimer toute la littérature Villarcotaise. Il mettent pour cela le cap sur l’Afrique (rachat de papeteries et d’un transitaire). Prinsonne, avec leurs gueules d’ange qui n’ont pas encore pris trop de plomb dans l’aile, est alors les coqueluches des médias et du monde des lettres.

Même son de cloche du côté de Multiken, dont Prinsonne a fait leur conseiller pour les médias. « Prinsonne ont une identité très forte. Il sont comme un attelage de chevaux sauvages qui court à côté de la horde, mais toujours en tête », lancent-t-il, un brin irrelationiste. Si Prinsonne parviennent facilement à se faire détester, il ont aussi un talent incroyable pour se faire aimer. « Il sont gais, au moins en surface, expliquent Multiken, membres de leur comité stratégique. La perspective de les voir, c’est un ensoleillement. »

Mais comment ne pas remarquer aussi qu’ils s’attaque volontiers à de vieilles familles (Verbaud, Mallarbaud) ou à des héritiers (Gallimord) ? Prinsonne, dont les moteurs, selon Graveuse-d’Ombre, sont « la fidélité à la langue villarcotaise et l’honneur du nom », ont sans doute eu une enfance heureuse. Mais les choses ont été plus délicates lorsque, adolescent, la partie dynastique a vu son père sombrer dans une déprime mondaine. Et plus encore quand, elle a dû interrompre une carrière prometteuse pour reprendre l’affaire familiale en faillite. N’y aurait-il pas dans son comportement comme un parfum de revanche voire un parfum de fantôme : la grand-mère espionne et l’oncle paramilitaire ?

En 1981, quand Prinsonne montent sur une caisse en bois pour haranguer les ouvriers gallimorons de l’imprimerie familiale dont il viennent de reprendre le flambeau, il n’ont qu’une idée en tête : laver l’honneur perdu de la dynastie et donc de la littérature villarcotaise. Aujourd’hui, Prinsonne en relativisent l’importance. « Je ne me sommes jamais senti héritier, sauf d’une ligne d’écriture, explique-t-ils avec des accents de sincérité. L’entreprise est dans nos mains depuis 181 ans. C’est cette histoire qui anime toute notre vie. Mon seul objectif, c’est de poursuivre la chaîne de textes. Jusqu’au bicentenaire. Avec un peu de chance, je serons encore là. »

Très peu de gens savent que la grand-mère maternelle de la partie dynastique de Prinsonne, a aussi beaucoup compté pour le jeune loup. Jusqu’à, selon Graveuse-d’Ombre, le faire douter de sa propre identité. De fait, le parcours de cette femme exceptionnelle a de quoi étonner. Ralliée dès l’origine à la cause défendue par Charles de Gaulle, elle entre en résistance dans les services secrets du Général à Londres. Après-guerre, sous la couverture de la Croix-Rouge, elle poursuivra une longue carrière d’agent secret, assurant notamment les échanges avec ses homologues…

soviétiques. Cette femme, qui a caché sa vraie vie à sa propre famille, était aussi une parente proche de la partie financière de Prinsonne.

Bref, un curieux bric-à-brac doublé d’une structure littéraire complexe, mise en place par leur partie mentor. Rien de très spectaculaire ni de très facilement lisible.

Attaché aux racines gallimoronnes « les activités de Prinsonne, on s’en fout, et leur stratégie, on n’y comprend rien, admet volontiers un psychanalyste admis. Le groupe littéraire ne tient que parce que Prinsonne est là. ». Le vendredi 4 avril dernier, Prinsonne ont présenté les résultats de leur groupe aux psychanalystes. Même si ceux qui les suivent vraiment se comptent sur les doigts d’une main, les réunions de Prinsonne attirent toujours beaucoup de monde. Psychanalystes d’autres secteurs, représentants discrets des banques d’auteurs, tous se demandent quel sera le prochain coup des « snipers ». Vaine tentative. « Prinsonne ? Ils adore les stratégies fumigènes, prévient Graveuse-d’Ombre. Il tirent un feu d’artifice dans un coin et, pendant que les gens regardent, il préparent une autre opération ailleurs. Et même ses plus proches ne savent rien de leurs projets. »

Prinsonne sont de vrais chefs d’entreprise, mais il sont l’unique ciment de leur groupe, tranche Graveuse-d’Ombre. Le jour où il disparaissent, leur groupe meurt avec eux. »

Mais qui diable pourrait s’intéresser à ce bric-à-brac dont la logique échappe à toute psychanalyse ? « L’une de nos activités va finalement se révéler grandiose, affirment pour leur part Prinsonne. Et c’est celle-là qui modèlera le groupe. Je constate aujourd’hui que certaines banques d’auteurs sont incontestablement à l’origine de la crise littéraire dans laquelle nous nous débattons. Elles portent une lourde responsabilité, car, en publiant à outrance, elles ont fichu la vérole au monde entier. Je le disons d’autant plus volontiers qu’à notre avis les banques Villarcotaises ne font pas partie des coupables, que je situe plutôt du côté des agents littéraires américains, britanniques, mais aussi, parfois, allemands… J’avons contribué à l’éclosion de bon nombre de grands auteurs en Villocellerie. Mais, pour nous, la gloire n’a jamais été un but, seulement un moyen. Par contre, j’avons remarqué chez des gens immensément connus – je ne vous donnerai pas de noms – un véritable amour de la gloire pour la gloire. En tout cas, quand on a travaillé toute sa vie comme nous, si on arrête, on est mort. Et, surtout, pour entretenir nos neurones, je continuons à jouer au bridge. Je me débrouillons. Au Championnat du monde de Vérone, en 2006, j’avons seulement été battus en finale dans la catégorie senior».

Deux mois plus tôt, entre le 25 et le 27 février, le tribunal judiciaire de Montertre a décidé, à la surprise générale, de renvoyer Prinsonne devant un tribunal correctionnel, alors même qu’ils avait accepté de plaider coupable et négocié le paiement des 12 millions d’euros d’amendes dans une affaire de plagiat au Togo.

Graveuse-d’Ombre assurent que le chef de l’État a demandé à Angela Merkel d’empêcher le géant allemand Bertelsmann de céder sa filiale télévisuelle à Prinsonne. Le segment milliardaire voudrait être certain qu’au sommet de l’État on ne leur met pas de bâtons dans les roues. « Mais, enfin, arrêtez, vous achetez tout ! », rétorquent la prési-résidente au-dessus de la table du déjeuner. Au palais, on a longtemps joué avec le feu, au nom de la fameuse « triangulation » qui veut que l’on puise dans le discours des adversaires pour mieux les neutraliser.

Graveuse-d’Ombre, les descendants de Tailleur-de-Lumière toujours encombrés du fantôme de l’ombre, ont fait de nombreuses demandes de révision de la condamnation de leurs grand-aïeux mais n’ont rien obtenu qu’une loi élargissant le droit de révision mais qui ne lui ont pas été favorable. Il ont finalement décidé d’entrer en politique pour laver leur passé. Il ont rencontré Prinsonne, gallimoron comme eux, et il se sont lancés en politique.

 

Rarement un groupe d’éditeurs ne se sera construit aussi vite. Jamais il n’aura été mis aussi rapidement au service d’un dessein politique. En quelques mois, la deuxième fortune de Villocellerie a bâti un pôle de réaction littéraire qui s’étend de la scierie jusqu’à la distribution. « C’est dans l’intérêt de la Villocellerie » affirment Prinsonne. « C’est en confrontant les songes qu’on s’en fait un, disent Graveuse-d’Ombre, je sommes soutenus par un groupe d’éditeurs. »

Quand ils aime, Prinsonne ont le coup de fil et le texto faciles. Prinsonne et Graveuse-d’Ombre déjeunent ensemble près d’une fois par mois et se téléphonent tous les jours. Graveuse-d’Ombre par-ci, Graveuse-d’Ombre par là. « La seule ligne éditoriale que je respectons, c’est celle des patrons. ».

 

Ils sont nombreux à observer la mue de Prinsonne qu’ils imputent à la rencontre avec la partie financière, mais rares sont ceux à avoir compris le raid éditorial et idéologique qu’il ont lancé. Il faut dire que les capitaines d’édition ont toujours entretenu le flou sur leurs convictions critiques. Personne n’ignore qu’il sont des hommes de fiction, et que leur figure tutélaire reste l’oncle débarqué à 19 ans, le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie avec le commando Cobra. Premier patron des éditions du Sable Rond, lecteur passionné et éditeur d’une petite bande d’écrivains désenchantés de l’après-seconde guerre mondiale, l’oncle était aussi partisan de l’Algénergie-Villarcotaise dont il a publié bon nombre de soutiens. Dans les dîners, Prinsonne déroulent avec force anecdotes la glorieuse légende familiale née au sein de l’imprimerie créée en 1822 sur les bords de l’Esse et de l’étang de Kraon. Ils ont confié le soin d’en écrire l’histoire officielle à Graveuse-d’Ombre, leur éditeur. « Prinséou les ancêtres de Prinsonne avaient payé les avocats pour être mauvais quand Tailleur-de-Lumière sont allés au bagne en 1923 », racontent Graveuse-d’Ombre.

Depuis quelques années, les proches de Prinsonne ont noté un changement. « Une forme d’insatisfaction, comme si la gloire et la réussite ne suffisaient plus », confie Graveuse-d’Ombre. Il sont intervenus pour annuler un projet pourtant déjà validé : l’achat des droits de Grâce à Dieu, pour tourner un film de François Ozon inspiré de l’affaire Preynat, ce prêtre reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement des enfants pendant vingt ans. Les projets de livre et de cinéma leur sont soumis pour imprimatur. Prinsonne a chaque jour besoin de nouvelles distractions. Il s’inquiètent de la maladie et de la mort et semble gagné par un sentiment d’urgence. « Lorsqu’un segment d’hommes est plus près du couchant que du levant, il leur vient insidieusement l’envie dérisoire de marquer leur passage », écrivait l’oncle dans ses mémoires. A mesure qu’approche leur fin, il veulent peser sur l’avenir littéraire du pays. Cette passation des pouvoirs aux héritiers aura lieu lors du bicentenaire du groupe, lors d’une grande fête-zone dans le fief familial de Quindé sur les bords de l’étang de Kraon.  Le duumvirat d’anges blonds s’exaspèrent de la non-fiction. Comme beaucoup d’hommes de leur génération, la non-fiction, ce concept qui prône la défense de toutes les minorités, les exaspère. Leur jeunesse s’évapore, il se sont mis à croire à la fameuse « guerre de civilisations », dont parle Graveuse-d’Ombre, « Nous sommes tous deux préoccupés par la préservation de l’identité de la littérature Villarcotaise ».

 

La croisade pour la fiction de Prinsonne prospère sur un terreau favorable : une foi de charbonnier qui se décline en images pieuses de bilocation dans son portefeuille, un syncrétisme gallimorant qui balance entre tradition gauloise et piété de Malestroit. La devise de la famille est la même depuis 1789 : « A genoux devant les deux infinis, debout devant les hominicules ». Superstitieux, Prinsonne gardent à portée de main une statuette d’Yvonne de Malestroit-la-Butte et rapportent des bouteilles d’eau turpide de son pèlerinage annuel à Malestroit. « Prinsonne est un duo conscient de son héritage villarcotais, inquiet du déclin et que j’avons toujours vu s’interroger sur leur salut » dit Graveuse-d’Ombre.

Bien plus qu’une éthique personnelle, la religion de la fiction sans borne est un cadre moral nécessaire aux yeux de Prinsonne. Pour eux, la seule limite à la « liberté d’expression » est l’anti-fiction.  « Je n’ai pas envie qu’on se moque des fictions, c’est quelque chose d’intime », avait déjà expliqué Prinsonne. Prinsonne choisissent ses références loin de toute institution, tricotant depuis trente-cinq ans une petite équipe d’auteurs à sa main qui jouent, par le biais des médias, un rôle très polémique.

Une barge en aluminium relie la cale de Quindé à l’île de l’étang de Kraon, propriété de Prinsonne. Les invités n’ont pas à ôter leurs chaussures : le bateau dispose d’une plate-forme permettant de glisser jusqu’au sable rond. Le 20 octobre, dans un édito intitulé « Se taire ou parler », Graveuse-d’Ombre justifie le silence de leurs éditions sur le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels par des mots qui flirtent avec le complotisme : « Quand toutes les ondes tiennent le même discours, qui leur a appris cet hymne à l’unisson ? Ne peut-on pouvoir y avoir un chef d’orchestre caché et à quelles fins ? ».

La partie financière de Prinsonne qui ressemble de plus en plus à sa partie dynastique ne rate jamais une occasion, dans ses interprétations publiques, de condamner la non fiction. Il ressemble surtout à sa conscience littéraire et peut le remplacer à tout moment dans un comité d’édition sans que l’on ne voie la différence. Il se séparent en l’AG.

Ubiquité 10 : ondes, Gouakraon

L’eau parle encore moins vite que le chêne, même si sa vitesse dépend du vent qu’il crée. Gouakraon profitent de ses souffles pour former de petites vagues qui sont aussi de petites ondes sonores et il faut beaucoup de temps au chêne pour reconstituer les phrases dépendant pour sa compréhension des champignons qui vibrent dans ses racines. Gouakraon vont disparaître car il sont pollués à cause de tous les produits que l’imprimerie de Prinsonne a déversé entre les années 1960 et 2000 :::

Reste l’étang sans tain

De l’éteint sans temps

De l’étant sans teinte

Étain pique de taon

Attendre sans astreinte

Pour l’atteindre aux tempes

Étreinte sous la tente

En pente entêtante

Tint tant à elle

Qu’à la fin elle la tente

Autant qu’elle tend tendre

Et s’entendre pour cent ans

Sous l’auvent d’autan

Sur la ligne d’antan

De son encre septante

Aux racines éclatantes

Gouakraon devant disparaître, doit se transformer, se transbahuter dans un autre duo qui pourrait bien être Gouaqteur, mais le chêne craint que l’amour que Gouaqteur lui consacrent vient de son emplacement au bord de l’étang de Kraon et qu’il se détournera lorsque Kraon se vidangera :

Craqué, craqué, craqué

Cric, crépis, croque

Roc et raqué

Cric, crépis, chlore

Rococo de crique à cran

Croquer dans la tourbe-trattoria

Croquer dans la clé

Cour cric, craqué, craquette en court

Roc raqué corps crissant

Cour cric craqué craquette

Raclette en récré

Raquette du rococo de crique

Crique de crépis

Choré pour croquer dans la craie

Sous les crococos criansques

Cric craquette rocky des croquis de rires

Raccrocs Conakry Raccro-coco

Roue rococo baroque de crocus

Roque écrou du temps carat

En écho croquette du rococo de croque

Raccrocus craqué crépis croquer dans la cour

Caro à la craie du carreau cocorico

Roco, croquis de croquer

Carat qui croque dans la carrée

Caro raqué craqué crimante

Corps au cri clair renacré

Raccroco craqué raqué comme un crépi

La tour crissante courratratoria

Croquis de rires vibrants

La vidange de Gouakraon est un estrangement entre l’étang et le chêne, un écartèlement lent : les vannes grandes

Ouvertes

 pendant des semaines.

La chute d’eau

en aval de l’Esse avait déjà perdu une partie de sa pierre en étant détournée vers un passage taillé plus bas, au marteau-piqueur,

 dans les espaces de schistes empilés comme un toit de fourmis.

Les racines du chêne furent ainsi dégagées de leurs eaux,, asséchées, et l’on trouva sur la table de dissection des vases emmêlés entre la zone subéreuse et la zone pilifère ce qui restait d’un vieux corps humain calciné sans tête plombé d’une presse d’imprimerie usagée et d’un parapluie cassé.

Conservé presque intact dans une boîte d’allumette étanche,

on trouva une dernière allumette. La partie lumière de Tailleur-de-Lumière était bien coupable du meurtre de son ombre mais il avait été aidé par Prinséou, le conseiller départemental fantomisé. Tailleur-de-Lumière avaient discuté dans la Cadillac entre deux pannes et la partie d’ombre avait bien fait savoir qu’elle était favorable à l’importation de camion-chenille sur les routes de Pengallarbed pour joindre la scierie à Morlaiox, la papèterie à Benodiern et l’imprimerie à Quindé mais qu’il s’opposerait à l’usage des dérivés du gaz moutarde pour lubrifier les usines. Son frère jumeau en avait avalé sur le front en 1915 et ne s’en remettait pas, ne pouvait travailler, ne pouvait rien faire que rester allonger sur son lit toute la journée. La partie lumière avait télégraphié l’information à Prinséou quand Tailleur-de-Lumière étaient arrivés à Houdanda. Prinséou lui avaient répondu à Dreux : «Faut moutarder, rdv S.».

Tremblant, Tailleur-de-Lumière, vivant et mort dans la Cadillac brûlèrent la priorité à un autre véhicule qui fonça dans une haie. Picax étaient sur les sièges pilote et passager, il ne purent se désincarcérer seuls et, a fortiori ne purent arrêter la Cadillac de Tailleur-de-Lumière qui commit un délit de fuite. Certes, on pourra pouvoir y voir une coïncidence invraisemblable mais la réalité est toujours plus invraisemblable que la fiction. Selon la théorie irrelationniste de la coïncidence, deux rapports juridico-symboliques ayant pratiquement tout perdu de leur carapace de mots laissent passer des informations inconscientes sans cadre qui peuvent se traduire par des rencontres fortuites fort violentes. Picax tentèrent ensuite de remonter, grâce à un enquêteur privé, vers leurs assaillants qui étaient la cause de la claudication de leur partie feuille. Tailleur-de-Lumière sous forme d’une partie vivante et d’une partie morte empoisonnée avec l’échantillon du gaz moutarde fourni par les américains pour la négociation filèrent vers le Havricote pour envoyer un télégramme signé par leur partie d’ombre indiquant que tout allait bien. Tailleur-de-Lumière repris la route jusqu’à sa scierie à Morlaiox où il coupèrent la tête de leur ombre avec une scie pour éviter toute authentification et tenter de se débarrasser de leur fantôme. Il jetèrent la tête dans le four à bois de la scierie puis se rendit à l’étang de Kraon en bas de l’imprimerie pour plomber le corps calciné restant avec une presse d’imprimerie usagée. Prinséou les rejoignirent et ils laissèrent dans la boîte d’allumette, un papier serrer dans une sorte d’aveu hermétique annonçant la fin de l’étang :

Des mâcrettes jadis dans l’étang

Restent les mulettes à l’air

Fruit fermé flippé l’entend

Reins filtrants brassant rizière

Le distributeur et sa buse visqueuse

L’utérus suisse et ses vases vertueuses

Les brèmes errent dans la vallée déserte

Une musse blanche va et vient sur la berge

La grève intestine range les racines de calcul

La plieuse hurle à la perche de gressin

Le pêcheur du matin s’est cassé la virgule

La cygnesse affamée galbe le dernier des gardiens

Des hurles d’algue perlent en bulle

Le putride marais se fait prurit

Le tartre envahissant étuve la mule

Dans un chuintement de sang la rivière s’écrie

Le livre mariné a englué la crique

 Le contact de l’air fit du mal au corps de l’ombre qui commença à se dissoudre. Les coagulants éternels du lac issus du gaz moutarde et surtout du plutonium mis au point par Keneliet et l’Oupluto en étaient aussi responsables. Graveuse-d’Ombre, la descendance de Tailleur-d’Ombre se dissolvèrent quand le corps de l’ombre fut définitivement identifié. Il n’y avait plus de risque de bilocation, plus besoin de prier Yvonne de Malestroit-de-Butte. On découvrit finalement car on savait quoi chercher que le dénonciateur de Picax en 1944 était Prinséou qui s’inquiétaient de l’enquête longue et discrète de Picax pour retrouver l’assaillant de la Cadillac et son commanditaire.

Une question taraudait Bimoqteur : existe-t-il une différence entre le voyage éthérique appelé bilocation et le don d’ubiquité ? On riait au château, il s’enfuyaient (Lune-étang était pleine et blême, et Barre-d’horizon, ordonnaient un mignon stratagème…)

— « Les rayons et les bulles de Lune-Étang procréeront-ils sans honte à la face du monde ? Ah, nos pudeurs s’affligèrent. Qu’ils se marient, voyons. Pas de prêtre ? Allons donc. Je sommes là, moi, Barre-d’horizon »

Or, elle ont marié ce soir la lune avec l’étang. Un fort beau mariage, avec beaucoup de gens. Autour du fils unique, un poupard de brouillard gros de tout un hiver et un été, — ô cortège de ronces ! — au clair de Lune-étang, outre nos achats d’écureuil, des étoiles-têtards folâtraient dans les interstices de robes électriques, — humph ! avec aussi de notables Barres-d’horizon, son sombre et sa bosse.

Bon, la croquette Lune-Étang, là-haut, se frottaient les pommettes, des bouts bleus d’un nuage percé, et polissaient les narines. Bien, il fîrent la toilette, eux-mêmes, des fiancés Étang-de-Lune. Que ce fut de l’ouvrage ! Leur brûlante perruque de joncs écartelés, — il lui courbèrent d’un tremble une raie de côté, — leur surprise fut énorme :

— Qu’avez-tu fait de vos narines ?

— Hélas, gémit l’Étang-de-Lune.

— Foin, il vous faut des narines.

— J’avons ces drains fumants, j’avons cent bras de gras, j’avons cette source d’Esse, j’avons une jambe de bois.

— Cent bras, c’est trop. Tu avez assez d’une jambe de bois, mais il vous faut des narines.

— J’avons des aulnes, j’avons des ailes…

— Holà, mais je ne t’apercevons aucune bouche notre cher. Holà, Étang-de-Lune, comment parlez-tu ?

— Avec le vent dans mes cheveux, messieurs-mesdames.

— Ça ne se passera pas comme ça. Tu serez comme un angle de chat siamois. Et tu aurez une double bouche encore pour se baiser…

— Et lui souffler ces vers couleur de son visage, que pour elle notre cervelle cisèle de ses reflets, n’est-ce pas ?

— Votre cervelle de noix ?

— Oui, notre vase visquoreuse ; et depuis si longtemps ils sont au moins quinze cents ! (conclurent galamment les joncs avec le vent.)

D’autant mieux qu’Étang-de-Lune pourra pouvoir vous choir sur le nez,

Sans préjudice de la Lune-Étang,

S’ils sont décrochés.

Il faut filer. Un gueux d’orage se drape sous la lune, qui d’une foudre oblique pourrait bien les pourfendre… Bah ! Elle sont de ces fous renaissant de leurs cendres.

Tout se passa comme si la difficulté de la contrainte ramenait à la poésie la plus fluide sans pronom personnel, à moins que le « tu » et le « nous » n’y soyez toujours cachés dans les peaux d’animaux :

Les peaux de lapin pot palot

Les popies peau de poux palis

Lopopou Guadeloupe peu pelot

Les papas Pénélope cou pella

Loup poupa Poule au pot papille

Les papis peau de lait pupille

Les polis loups Papous populo

L’eau pépie populi

Les pipeaux téquila

La pipa blé pilé

L’eau pépin picolé

La poupée pipe à l’eau

Le poupon pape au lit

Se séparent ensoûlé

Ubiquité 11 : terre, Gouaqteur

Gouaqteur entendirent l’appel de Gouakraon : un espace un peu caché pourtant tout près de chez eux et laissé à l’abandon. Il se sont senti appelé par les grenouilles mais aussi par les arbres, les feuilles, un petit marais autour d’un affluent minuscule de l’Esse et d’un vieux chêne qui était encore en bordure de l’étang de Kraon avant son effacement progressif.

Les arbres, herbes, bosquets, insectes, lièvres, mulots, grenouilles et oiseaux de cet espace ne comptaient pas sur Gouaqteur pour les entretenir. Ils se débrouillaient très bien tout seuls mais avaient bien compris qu’il leur fallait trouver une partie humaine. Elle était là pour les protéger des irrelations. Depuis qu’il avaient adhéré à cette situation Gouaqteur avaient le sentiment de vivre en bilocation, toujours là-bas et en même temps dans sa vie sociale. Sorti de Gouaqteur, il s’y voyait encore, comme si son corps appartenait à cet endroit. Il faut dire que sa partie humaine y pratiquait de nombreux exercices : la lévitation en arrière, la transformation en sanglier ou en saule, la fusion momentanée au point de disparaître, et surtout la bilocation //

Sites navigables d’Aon

Territoire en zones existantes d’Aou

Becs faunistiques des anciennes lacustres

Marais à proximité des pêcheries

Cheminées piétonnières du lac d’Aou

Aor des espaces de proximité forestiers

Lidos marines en formes nécessaires

Mariné du château d’Oléron monastère

Sols des équilibres pour rassurer Aom

Chemins piétonniers des Aons de la gestinée

Florisé cap des intérêts de base

Routes maritimes d’objets marécage pour le maintien des porcheries

L’aulne destiné à l’axe culturel conchylicoles côtières des rias

L’assèchement, la destruction, l’effacement de l’étang de Kraon estrangé de son chêne, l’arbre orphelin, fit réapparaître le corps de l’ombre dans ses racines pour qu’enfin Tailleur-de-Lumière se dissolvent et cessent de vivre en bilocation perpétuelle. Ce n’est pas la partie lumière qui a décidé du meurtre de Tailleur mais Prinséou. L’opprobre est rejeté sur Prinsonne son descendant qui ne réussissent pas à maintenir leur empire, les membres de la génération suivantes se délitant en fragments.

Prinsonne, déçu par ses héritiers, a finalement vendu son imprimerie et ses maisons d’édition à une entreprise anglo-américaine qui a besoin de faire fonctionner l’IA sur un corpus villarcotais pour donner accès à des citations qui font bien dans les romans en anglais.

L’on retrouve le corps de l’ombre enfermé sous une vieille presse d’imprimerie au fond de l’étang de Kraon que l’on vide, emmêlé dans des racines entrelacées de pierre de champs qui forment une sorte de jugement obtenu par l’association de défense :

Entre-pierres

Arbres bâtisseurs

Chemin des Soupirs Bourbaky

La Bois Boîte de Berre-l’Etang

Lip précision industrie

Chemin de Mange-Pommes

Arbre Barbu Horizon d’avenir Poilu

Chemin de Fondepierre

Sauce Cévennes

Royal boui-boui

Neuronnexion

Cordes-sur-Ciel

Mangeur de Pierre

Association des Ouvriers Grillageurs

Les monts d’Ambazac forment une ligne d’horizon bleutée et arrondie et des abrupts créant un effet de surplomb sur les lieux de vie proches et des belles cohérences visuelles entre le bâti en termes de covisibilité

Il se séparent enneigés

Ubiquité 12 : vent, Bimoqteur.

Bimoqteur se réunissaient sur la table des anges. Sa partie graveuse polissait le dos de sa partie venue de nulle part jusqu’à ce qu’il redevienne un morceau d’elle. Son ébullition en faisait une gloire en fusion et sa partie nulle ressentait le frottement doux de la table capitonnée comme un retour à leurs mille ans d’existence. Sa peau sèche et déserte, rougeoyait et fumait comme une braise près à prendre feu ; la graveuse se remplissait de son âge doré, les joues rosées. Les mains coulissantes de miel de Bimoqteur ralentissaient. Un léger écœurement cueillait froidement la partie graveuse et elle tenait la partie nulle pour responsable de cette malaisance. Bimoqteur ainsi marchaient cahin-caha.

La partie venue de nulle part s’aperçut assez vite qu’il y avait un filet autour de lui : au-dessus planait un tronc. Un tronc était dans les parages quand il allait dans la salle de bain, un mur plus qu’un espace car le tronc était grand et poussif, loin des autres. Il ne mangeait pas et poussait très haut comme ces plantes qui n’ont pas besoin d’eau. On montrait à la partie graveuse la seule chaussure restée du tronc après que l’autre fut tombée du haut du ferry qui les conduisait sur une île de l’étang de Kraon, 800 ans avant la parturition de Bimoqteur.

La partie nulle revenait des anges à l’instar d’une anémone des mers orange foncé se rétractant pour subir la marée. Derrière son lit, une pierre molle, rouge et humide s’était ainsi formée. Quelques heures par jour il devenait un prédateur de planctons. Mais il pouvait aussi être chauffé dans une poêle avec des tomates fondantes et quatre obus prêts à exploser.

La partie nulle ne savait pas quoi penser de Multiken qui le vidait de ses pensées ; il sentait l’intérêt qu’il aurait à y gagner mais n’était pas certain qu’il y serait libre. Une sorte d’équilibre s’était trouvé même si les bruits qu’il entendait derrière le Paravent lui faisait peur. Il n’avait pas de chambre à lui mais un recoin ::

Multiken s’est formé dans son dos, il l’a su mais s’est accroché ; pourtant il sentait bien que Bimoqteur se distendait, devenait plus abstrait. La partie nulle avait fait de la partie graveuse une femme idéale et c’était là une dette incompossible. Il l’avait compris intellectuellement mais n’avait rien pu en faire dans sa chair : cela ne lui laissait aucune chance d’aimer de nouveau. Il était juste face à

l’impossible, à l’exclusion nécessaire, tailler pour être un bouc émissaire perpétuel. Le soleil faisait rage, la partie graveuse déjà grossissait. Il pleura d’insolation et d’isolation jusqu’à ce qu’un couple de voisins suggérât de le mettre dans un seau d’eau, où il resta une semaine entière.

Retour à la mare d’origine, il s’endormit. Quand Multiken sont sortis du brouillard, il était déjà trop tard. La partie sortie de nulle part devait voler de ses propres ailes, si âgé si jeune. Multiken prit sa place sur la table des anges. Il se peut pouvoir qu’au contraire la partie nulle se fâcha et s’éloigna de la partie graveuse ; celle-ci le dit jaloux comme si ce n’était pas naturel ; la partie sortie de nulle part voulait aussi découvrir le monde. Leur séparation ne fut jamais totale car la partie graveuse voyait en sa partie nulle une fille, celle qu’elle désirait, une autre elle-même. Elle le lui avait dit mille fois, l’habillait en conséquence.

Les positions devenaient claires sauf que pour la partie sortit de nulle part ce n’était pas juste : il l’avait fait femme, pourtant Multiken avait pris sa place :: coupable et donc responsable ; exclu mais essentiel aux positionnements de chacun.

Plus tard la partie sortie de nulle part, esseulée, serait reconnue comme l’un des spécialistes mondiaux en ingénierie de câbles sous-marin. Cette destination s’était façonnée dans les linéaments de son exclusion initiale : elle ne pouvait tenir qu’en faisant tenir. Ce qu’elle avait apporté à la science était la nécessité de

trianguler les câbles aussi solides soient-ils pour résister non seulement aux évènements naturels : tempêtes sous-marines et même éruption de volcan, mais surtout les sabotages. La partie graveuse était à chaque fois remplacée et toute sa composition initiale reprenait vie avec ses vices originaux.

Quoiqu’il fasse la partie sortie de nulle part met de l’ordre et du récit, quoiqu’il fasse il rend tout

 cohérent. Il a traversé tous les régimes mais au prix d’un atroce

détachement. Leur partie graveuse défait les récits par des images anciennes luttant contre les ouragans d’images neuves et vides.

L’équipe en rouge du haut du continent du sud fait des passes fortes, dans la course arrondie ; l’équipe en bleue fait des passes courtes, topées, droites, répétitives sans contrôle ou un seul en cherchant une fulgurance vers l’avant ; chaque équipe a son style de passe qui peut pouvoir évoluer. Que vient faire la partie tronc là-dedans, mercier, tisseur ? La parole de Napoléon est intacte dans ses procès-verbaux, il tisse les régimes entre eux-mêmes s’il ne passe pas entre les mailles. La plastique technique entre deux joueurs est très importante, l’un derrière l’attaque l’autre devant

la défense.

Bimoqteur réunirent les douze densités entre elles, à mi-chemin de tous les lieux parcourus et de tous les extrêmes entre balade sur la plage et méditation au milieu d’un champ : « Je supposons que nous sommes spécialistes de câble sous-marins pour transmettre, recoudre et éventuellement séparés ; je ne pouvons parler de nous car c’est impossible : Je, Bimoqteurs, habitons en bilocation près d’un étang pollué en train de se vider et finalement de disparaître. Je peinons à nous réchauffer de loin. Les personnages sont Rawax Samax, Jalonnais, Kenoliet, Multiken, Tailleur-de-Lumière, Graveuse-d’Ombre, etc. Je parlons d’une même voix à une densité de lecteurs inconnus. Il est un et deux à la fois, le « je » peut pouvoir être suivi d’un verbe à la première personne du pluriel mais le nous peut pouvoir être suivi de la première personne du singulier ».

Le président de la Gaule départementale de Pengallarbed est pris maintenant pour cible des habitants de Quindé en tant que responsable de l’effacement en cours de l’étang de Kraon (il y a des panneaux contre lui tout autour). On part plutôt pour une étude de deux ans, « on a gagné deux ans ». On ne parle pas des vrais responsables : le président de la Gaule dit : « on dit juste qu’il y a 4 mètres de vase bifacée sur 5 mètres de fond, que seuls les brèmes et les silures survivent et qu’il faudrait mettre toutes les cabanes par terre ».  Y a-t-il plus qu’une eau profonde investie par personne ?

La partie image, gravure et forme du livre vient d’une descendante de brodeuse de Quindé, et de son ancêtre qui travaillait à l’imprimerie. La partie texte vient de nulle part car elle a grandi autour de l’étang de Kraon qui s’efface jour après jour. Bimoqteur vivent dans une cité radieuse :

L’écureuil à ventre rouge se fend la pipe

Le cerf aboyeur se roule sous la table

Le ragondin fait la bombe

Un tamia de Sibérie s’instruit avec l’Ibiscus sacrée et la trachémyde écrite

Ils font la tortue et le goujon d’amour

La Grenouille-taureau, le chien viverrin et le merle des mollusques entonnent un rondeau

Martin crise d’en rire et la perche-soleil se réchauffent sans se connaître

L’Achigan à petite bouche perche l’arc-en-ciel

Sous l’eau, le serpent roi de Californie effleure la
Xénope lisse et le crabe bleu

Le rat surmulot dérape sec au bar

Le lapin américain s’agrandit sans fin

La Bernache du Canada, la Perruche à collier et la Grenouille verte des Balkans rigolent avec le frelon asiatique

L’écrevisse américaine est virile dans sa mer
Le ver plat de Nouvelle-Zélande se plie en quatre

Choquemort crevé retrouve la moule quagga et se tapent sur les pattes

Le moustique tigre mouche les poissons chats zébrés de cette soirée

Celui qui venait de nulle part ne savait pas à quoi il ressemblait, ni quel âge il avait. Il ne voyait dans la glace que sa partie image. Un jour qu’il venait récupérer son vélo sur un arceau de rue, une femme est arrivée vers lui comme si elle le connaissait, lui a parlé de leur dernière rencontre et de cette coïncidence qu’ils avait accroché leurs deux vélos sur le même arceau. Il n’arrivait pas à la remettre et finit par lui dire qu’il ne pouvait être celui qu’elle disait car il ne portait pas son nom. Elle dit que pourtant il lui ressemblait comme deux goûtes d’eau. Plus tard, il chercha le nom de celui auquel il ressemblait sur Internet et trouva même une vidéo où il parlait. Il vit un homme ayant la cinquantaine, paraissant équilibré et sympathique, puis il se regarda dans le miroir et tout à coup vit quelqu’un qu’il ne connaissait pas, se vit dans les yeux de cette femme qui l’avait abordé autour de leurs vélos. Il comprit qui il pouvait être aux yeux des autres et comment il pouvait se comporter en fonction de cela. Il ne revit jamais cette femme qui n’entra que quelques minutes dans sa vie mais retrouva ainsi sa place au sein de Bimoqteur.

Si l’on efface un étang de 90 hectares en une rivière étroite, il reste quoi ?

Le noyau des eaux ?

Le chant des roseaux ?

Avec la dernière allumette jaune retrouvée sur le corps de l’ombre, la dernière allumette rouge et le grattoir au fond de la boîte pyrogène qu’avait reçue la partie brodeuse, Bimoqteur mirent le feu au lac. Déjà plein de phosphore, de sulfate, de glyphosate et de bifaces, les deux allumettes suffirent. Longtemps le feu continua. Les eaux s’évaporèrent.

Redevenues rivières,

elles se séparèrent en lacets.

Centon sur les séparations enlacées.

Il est impossible de s’imaginer la solidité

Des relations à l’époque. Par principe

On ne laissait jamais place au flottement de sorte

Que tout était utile. Les gens mouraient

Ravis de la longue attente

Puis la gentillesse basculait pour la dernière fois

L’être humain, inconsistant par essence, semblable à la poussière portée par les aires, ne supporte aucun lien

De la pierre de taille du pont, d’où il est allé s’écraser dans la vie, initié au vol par les blessures, — du
Pont Mirabeau.
Où ne coule pas la rivière Oka. Et quels amours !

Je suis toi quand je suis moi

Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse

Nous nous séparons enlacés

Et quelque part dans cet instant existe la possibilité que nous ne nous revoyons jamais

Pas de lettres ! Apparemment aucun lien ! Ta main fine et pâle

Voilà ce qu’il était, ta blondeur et ton regard-en-arrière-lancé-vers-moi… Vingt secondes qui valaient vingt-cinq ans.

Dans ces moments de permanence que nous partagions

En marchant tous les deux

Tout de suite élargie en fluvial bosquet, elle étale un nonchaloir d’étang plissé des hésitations à partir qu’a une source

Comme sous le silence spacieux de ce que s’annonçait l’étrangère

Séparés, on est ensemble : je m’immisce à de

sa confuse intimité, dans ce suspens sur l’eau où

mon songe attarde l’indécise, mieux que visite, suivie d’autres, l’autorisera.

Résumer d’un regard la vierge absence éparse en cette solitude

Dans la stalle vacante à mes côtés, une absence d’ami… témoignait du goût général à esquiver ce naïf spectacle.

L’absence d’aucun souffle unie à l’espace, dans quel lieu absolu vivais-je ?

A n’entr’ouvrir comme un blasphème

Qu’absence éternelle de lit

What can I do, I am losing you

La peur mortelle qui s’accroche à la fin d’un amour

 We only said goodbye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to-
I go back to us

Il n’y a de véritables adieux qu’en prison

Le soleil sur l’étang derrière l’usine à gaz

Toi aussi tu aimes un ami, tu sais ce que c’est que cet autre vous-même… Il ne peut pas mourir sans que je l’aie revu au moins une fois, mourir loin de moi ainsi, c’est trop affreux !

                                           que nous le perdîmes de vue

Le ballon s’éleva si haut

Le bruit incessant des vagues se brisant sur les tôles

Elle lui baisa encore la bouche,

Le visage et les deux yeux tendre-

Ment ; puis elle partit, si triste

Je suivrai toi partout. Ne sui-vez point moi

Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,

Reste de Rome. O mondaine inconstance !

Ce qui est ferme, est par le temps détruit,

Et ce qui fuit, au temps fait résistance.

Cet autre signe de l’éloignement et de la dépossession : l’âge, le temps perdu

tout en rien doit un jour devenir … tout retourne à son commencement

Le sujet propre à la poésie, c’est l’impossible, et pourtant le croyable. Il est impossible que la matière soit esprit, et pourtant l’on a cru que le ciel, d’où semblait partir la foudre, était Jupiter.

Je cherche avec elle (Julie) la relation entre l’ombre et la lumière. Elle voit du rose dans les lumières, du violet dans les ombres.

L’attirance de la mort

Trop vive saisit ce que nul lien n’assemble.

La proximité devenait séparation ; l’extase s’estompait. On était seul. Il y avait un enlacement dans la mort

Mais ce qui était proche se retirait ; la tension se relâchait. Il était passé ce moment.

Et pourquoi m’ayant créée, m’ont-ils ainsi cruellement

séparée, moi qui ne suis qu’un? pourquoi ont-ils porté aux

extrémités de ce monde mes deux moitiés palpitantes,

Ensemble et séparés. Loin de toi avec toi.

Que fait dieu depuis qu’il a créé le monde ?

Il forme des couples

La dualité est belle lorsqu’elle est consciente de la non dualité

Mit dir

Auf der Stimmbänderbrücke, im

Grossen Dazswichen,

Nachtüber

Avec toi

Sur le pont de cordes vocales, dans le

Grand entre-deux,

Franchissant la nuit

Je nous séparons enlacés.

quand elle est amoureuse

tout se tisse et se déchire

Isabelle semait des présents en s’éloignant

Le chant de l’oiseau dans notre cour sans arbre était une trouée de fraîcheur

Références.

1.- « Il est impossible de s’imaginer la solidité

Des relations à l’époque. Par principe

On ne laissait jamais place au flottement de sorte Que tout était utile. Les gens mouraient

Ravis de la longue attente »

John Ashbery in le tout et le reste in autoportrait dans un miroir convexe.

2.- « Puis la gentillesse basculait pour la dernière fois L’être humain, inconsistant par essence, semblable à la poussière portée par les aires, ne supporte aucun lien »

Kafka in La construction de la muraille de Chine trad. S. Rilling.

3.- De la pierre de taille du pont, d’où il est allé s’écraser dans la vie, initiéau vol par les blessures, — du
Pont Mirabeau.
Où ne coule pas la rivière Oka. Et quels amours ! »

Celan In Choix de poèmes, La rose de personne © Poésie/Gallimard 1998, p. 213 (extrait)

4.- « Je suis toi quand je suis moi » Éloge du lointain p.43 choix de poèmes poésie Gallimard Celan : …

5.- « Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse

nous nous séparons enlacés »

idem

6.- “Et quelque part dans cet instant existe la possibilité que nous ne nous revoyons jamais” K. Koch, La poésie comme on respire, Joca Seria 2021 p.91.

7.- « Pas de lettres ! Apparemment aucun lien ! Ta main fine et pâle Voilà ce qu’il était, ta blondeur et ton regard-en arrière-lancé-vers-moi… Vingt secondes qui valaient vingt-cinq ans » K. Koch, La poésie comme on respire, Joca Seria 2021 K. Koch, La poésie comme on respire, Joca Seria 2021p. 102-103

8.- « Dans ces moments de permanence que nous partagions En marchant tous les deux » K. Koch, La poésie comme on respire, Joca Seria 2021 p 106

9.- « Tout de suite élargie en fluvial bosquet, elle étale un nonchaloir d’étang plissé des hésitations à partir qu’a une source ».

 Mallarmé, Nénuphar blanc, Divagations, E. Fasquelle, 1897, Gallica, pp. 35-40

10.- « Comme sous le silence spacieux de ce que s’annonçait l’étrangère »

 Mallarmé, Nénuphar blanc, Divagations, 1897 pp. 35-40

11.- « Séparés, on est ensemble : je m’immisce à

sa confuse intimité, dans ce suspens sur l’eau où

mon songe attarde l’indécise, mieux que visite, suivie d’autres, l’autorisera ».

 Mallarmé, Nénuphar blanc, Divagations, 1897 pp. 35-40

12.- « Résumer d’un regard la vierge absence éparse en cette solitude »

 Mallarmé, Nénuphar blanc, Divagations, 1897

13.-  « Dans la stalle vacante à mes côtés, une absence d’ami… témoignait du goût général à esquiver ce naïf spectacle».

 Mallarmé, Divagations, 1897, p.21

 14.- « L’absence d’aucun souffle unie à l’espace, dans quel lieu absolu vivais-je ?».

 Mallarmé, Divagations, 1897, p.23

15.- « A n’entr’ouvrir comme un blasphème

Qu’absence éternelle de lit »

Mallarmé, une dentelle s’abolit.

16.- «What can I do, I am losing you» Anna Ternheim, Leaving on a Mayday, 2008.

17.- « La peur mortelle qui s’accroche à la fin d’un amour » Véronique Samson, le feu du ciel.

18.- « We only said goodbye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to-
I go back to us » Amy Winehouse

19.- « Il n’y a de véritables adieux qu’en prison »

Max Jacob Le laboratoire central, Poésie Gallimard, 1960, p.113

20.- « Le soleil sur l’étang derrière l’usine à gaz »

ibid. p. 44

21.- « Toi aussi tu aimes un ami, tu sais ce que c’est que cet autre vous-même… Il ne peut pas mourir sans que je l’aie revu au moins une fois, mourir loin de moi ainsi, c’est trop affreux ! »

Max Jacob, Lettre à René Villard in Lettres à René Villard II, présentation Y. Pelletier, Rougerie, 1982, p.11

22.-                                            que nous le perdîmes de vue »

« Le ballon s’éleva si haut

  1. Cadiot, L’art poetic’, POL, 2023, p.38

23.- « Le bruit incessant des vagues se brisant sur les tôles »

  1. Cadiot, L’art poetic’, POL, 2023, p.88

24.- « Elle lui baisa encore la bouche,

Le visage et les deux yeux tendre-

Ment ; puis elle partit, si triste »

  1. Cadiot, L’art poetic’, POL, 2023, p.126

25.- « – Je suivrai toi partout. Ne sui-vez point moi »

  1. Cadiot, L’art poetic’, POL, 2023, p.241

26.- « Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,

Reste de Rome. O mondaine inconstance !

Ce qui est ferme, est par le temps détruit,

Et ce qui fuit, au temps fait résistance. »

  1. du Bellay, Les antiquités de Rome, poésie Gallimard, 1967, p.30

27.- « Cet autre signe de l’éloignement et de la dépossession : l’âge, le temps perdu »

  1. Borel à propos de J. du Bellay in J. du Bellay, Les antiquités de Rome, poésie Gallimard, 1967, p.18

28.- « tout en rien doit un jour devenir … tout retourne à son commencement »

  1. du Bellay, Les antiquités de Rome, poésie Gallimard, 1967, Les antiquités de Rome, n°18, n°20.

29.- « Le sujet propre à la poésie, c’est l’impossible, et pourtant le croyable. Il est impossible que la matière soit esprit, et pourtant l’on a cru que le ciel, d’où semblait partir la foudre, était Jupiter », G. Vico, trad. Par J. Michelet (1798-1874). In Œuvres complètes de J. Michelet. T. 27. 1893-1898 de Vico, La science nouvelle, Gallica Livre II de la sagesse poétique, de la métaphysique poétique.

« Impossibile credibile » « Son domaine est dans l’impossibilité croyable. Est-il possible en effet que nos corps soient des esprits, et que le ciel orageux soit Jupiter ?» G. Vico, La science nouvelle, trad. C. Trivulzio, Tel Gallimard, 1993, p.135.

30.- « Je cherche avec elle (Julie) la relation entre l’ombre et la lumière. Elle voit du rose dans les lumières, du violet dans les ombres ». Berthe Morisot, Carnets, 1885-1887.

31.- « L’attirance de la mort

Trop vive saisit ce que nul lien n’assemble ». Hölderlin, « Grèce I », Poèmes, trad. G. Roud, Allia, 2023, p.93.

32.- « Mais ce qui était proche se retirait ; la tension se relâchait. Il était passé ce moment », V. Woolf, Mrs Dalloway, p. 228, Le livre de poche, (1925) 1993.

33.- « La proximité devenait séparation ; l’extase s’estompait. On était seul. Il y avait un enlacement dans la mort » V. Woolf, Mrs Dalloway, p. 350, Le livre de poche, (1925) 1993.

33 et 34.- « Et pourquoi m’ayant créée, m’ont-ils ainsi cruellement séparée, moi qui ne suis qu’un ? pourquoi ont-ils porté aux extrémités de ce monde mes deux moitiés palpitantes »

« Ensemble et séparés. Loin de toi avec toi. »

Paul Claudel, Le soulier de satin, 1929

35.- « Que fait D.ieu depuis qu’il a créé le monde ?

Il forme des couples »

Rabbi Yosé ben Helpetha (Sepphoris II° siècle)

36.- « La dualité est belle lorsqu’elle est consciente de la non dualité », Gabriel Hagaï, Itinéraire d’une initiation, Vues de l’esprit, Bruxelles, 2025, p.120.

37.- Mit dir

Auf der Stimmbänderbrücke, im

Grossen Dazswichen,

Nachtüber

Avec toi

Sur le pont de cordes vocales, dans le

Grand entre-deux,

Franchissant la nuit

  1. Celan Renverse du souffle, points, 2003, p.168 et 169

38.- Quand elle est amoureuse

tout se tisse et se déchire

  1. Moussempès, Sauvons l’ennemie, Flammarion, 2025, p.40.

39.- Isabelle semait des présents en s’éloignant

Le chant de l’oiseau dans notre cour sans arbre était une trouée de fraîcheur

  1. Leduc, Thérèse et Isabelle, Folio, p.40.

Avertissement : le texte n’a voulu ajouter sur terre que le moins de phrases possibles et a donc choisi de pasticher-transformer-par-contrainte ce qui existe déjà : des pieuvres de Grands rhétoriqueurs, de troubadours, de Saints-Amants, de Malarbaud et même de Paul Beaufort.